La politique du pape François
S'il est trop tôt pour cerner les orientations du nouveau pontificat, au moins est-il possible de connaître la personnalité du pape François.
Il faut d'abord souligner que si le jésuite est moins un théologien qu'un pasteur, sa théologie n'est pas très éloignée de celle de son prédécesseur. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'il est allé étudier en Allemagne la pensée de Romano Guardini, le principal inspirateur de Joseph Ratzinger. Tout comme il a exprimé à plusieurs reprises sa proximité avec Don Luigi Giussani et son mouvement Communion et Libération. Comme Benoît XVI, il a mis en garde contre un relativisme devenu totalitaire, et une Église qui se replie sur sa seule administration au lieu d'évangéliser.
Jorge Bergoglio n'est ni un « progressiste » (il défend notamment le célibat des prêtres) ni un « traditionaliste » (la question liturgique ne semble guère l'intéresser), mais son engagement dans la cité s'inscrit dans le grand courant d'un christianisme social récusant les« solutions totalitaires »1 qu'il énumère : « fascisme, nazisme, communisme ou libéralisme ». Sa position sur la théologie de libération est celle que le cardinal Ratzinger avait exposée dans ses deux instructions (surtout la seconde, plus affinée) : « dénonciation » de « l'infiltration idéologique » marxiste (légitimant le terrorisme), mais reconnaissance du « souci des plus pauvres ». Le contexte sud-américain, et plus spécialement argentin, marqué par l'explosion de la misère et l'atomisation de la société par le consumérisme et un « capitalisme sauvage », l'a rendu très sensible à responsabilité sociale des chrétiens. Attention aux plus faibles et défense de la vie vont pour lui ensemble : il a résisté avec autant de vigueur à l'idolâtrie de l'argent et à l'injustice qu'aux lois pour l'avortement ou le mariage homosexuel (qualifié de diabolique). Un autre point le rattache davantage à Jean Paul II : son patriotisme (« J'aime bien parler de patrie ») ; comme le pape polonais, il affirme que « la patrie est ce qui donne l'identité », « c'est ce que nous avons de plus précieux », c'est un héritage qui ne doit pas seulement être conservé mais développé (ni conservatisme, ni progressisme), face à la globalisation comprise « comme imposition unidirectionnelle et uniformisante de valeurs, de pratiques et de marchandises ».
1 Voir surtout le livre d'entretiens Je crois en l'homme (Flammarion). Toutes les citations viennent de ce livre.