De nombreux événements sont organisés (notamment à Domrémy et Orléans) pour commémorer le sixième centenaire de la naissance de sainte Jeanne d'Arc. La figure
de la Pucelle a été parfois abusivement récupérée au profit d'une idéologie nationaliste. Or si la mission de Jeanne avait effectivement une dimention politique (théopolitique, pourrait-on dire
aujourd'hui), celle-ci s'inscrivait dans le projet plus vaste d'oeuvrer à retrouver l'unité de la Chrétienté. C'est ce qu'expliquait l'historien Daniel-Rops dans son Histoire de
l'Eglise:
Tel est le sens du patriotisme de Jeanne d'Arc. C'est en Dieu qu'elle aimait la France, comme les saints ont aimé en Dieu les pauvres et les pécheurs, et,
précisément, elle l'aimait parce qu'elle la voyait misérable, déchirée, pécheresse, elle l'aimait d'un amour de rédemption. Il n'y avait, dans cet amour, rien d'orgueilleux ni d'agressif ; elle
n'a jamais parlé d'aller conquérir l'Angleterre, ni d'imposer à quiconque sa domination. Elle n'a jamais non plus pensé qu'en faisant ce qu'elle faisait, elle couvrait de gloire sa patrie et que
ses prouesses lui donneraient des droits à commander aux autres. Tout ce qu'elle réclamait pour son pays, pour son roi, comme pour elle-même, c'était une vie simple et humble, où il serait rendu
à chacun selon son droit. Elle se battait pour faire régner la justice de Dieu et pour nulle autre cause : « Dieu hait-il donc les Anglais ? » lui demandera-t-on pour lui tendre un
piège. Nullement. Il les aime autant que tout autre peuple, mais chez eux, selon l'équité, et non pas quand ils attentent aux libertés des autres. Ce n'était pas tant les Anglais que Jeanne
combattait que l'injustice.
Ainsi, par-delà le but immédiat qu'elle visait, la libération de la France et la restauration du royaume en sa dignité, il y en avait un autre plus essentiel. A
plusieurs reprises, elle l'a désigné. Quand, par exemple, elle écrivait aux Anglais de Bedford sa fameuse lettre du mardi saint 1429 pour les inviter à quitter la France avant d'en être boutés
hors, ou quand elle s'adressait au duc de Bourgogne le 17 juillet de la même année, ou encore - ce qui est plus étonnant - quand elle tançait dans une véhémente épître les hussites de Bohême,
parce qu'elle avait entendu dire que leur guerre impie, née d'un sentiment patriotique exacerbé, déchirait l'Église. En toutes circonstances, sa conclusion était la même : il faut mettre fin aux
luttes entre baptisés ; il faut unir toutes les forces chrétiennes en un seul faisceau pour servir le Christ ; il faut que tous travaillent d'un même cœur à la même entreprise. Laquelle ? A cette
unité reconstituée, Jeanne proposait comme but formel la croisade, en quoi elle demeurait de son temps. Mais à travers le rêve du «grand passage», ce qu'elle concevait, c'était en réalité un
nouvel ordre de la chrétienté, où chaque nation aurait sa mission propre à accomplir, mais où toutes seraient associées en une intention supérieure, celle dont tout chrétien formule
quotidiennement le souhait : l'avènement du règne de Dieu.