Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné...Son nom est : Prince de la Paix (Is 9,5). Noël est un mystère où les paradoxes du christianisme, comme dirait Chesterton, sont portés à l'excès. Le Tout-puissant se fait tout-petit, les anges laissent exploser leur joie, chantent la Gloire de Dieu, et pourtant bientôt les enfants innocents tombent sous le glaive de la soldatesque du cruel Hérode tandis que la Sainte Famille prend le douloureux chemin de l'exil.
Telle est aussi notre condition, nous chrétiens de l’Église militante, en exil permanent, immigrés résidents. Une Église qui ne serait pas en détresse devrait s'inquiéter de ne point l'être. A chacun sa persécution. Nos frères chrétiens d'Orient sont attaqués dans leur vie physique. Nous, chrétiens d'Occident, sommes agressés, accusés, vilipendés et moqués. Un grand vent de « cathophobie » souffle sur notre vieux pays apostat qui s'en prend à la crèche.
Il y a un siècle, les ancêtres de nos gouvernants actuels réquisitionnaient les couvents, expulsant les congrégations religieuses. A Dijon, le Carmel est sur le qui-vive. La Mère supérieure se prépare à l'exode : elle se rend en Suisse puis en Belgique pour visiter des maisons qui pourront accueillir la communauté. Le 28 avril 1903, une petite religieuse de vingt-deux ans écrit à ses tantes : « en attendant le Veni de l'Epoux il faut se dépenser, souffrir pour Lui et surtout beaucoup l'aimer. Remerciez-le d'avoir appelé votre petite Élisabeth au Carmel pour la persécution, je ne sais ce qui nous attend et cette perspective d'avoir à souffrir parce que je suis devenue sienne met bien du bonheur dans mon âme. »
Finalement le Carmel de la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité ne fut pas expulsé. Seule la chapelle dut être fermée au public pendant trois ans. Mais ce qui importe vraiment dans cette anecdote, c'est l'attitude d'âme de notre carmélite : non la révolte, mais la joie de porter un peu la croix de son Sauveur. Telle est la source de notre paix.
Cette paix dans notre cœur n'exclut pas notre détermination – au contraire, elle la raffermit, la rend plus forte.
Très saint et joyeux Noël !
Denis Sureau
Chrétiens dans la Cité