Mgr Vincent Jordy archevêque de Tours

Pionnier de la finance solidaire, le Père Bernard Devert, président-fondateur d'Habitat & Humanisme, nous propose ses réflexions à l'occasion de la semaine de la finance solidaire :
Quel couple, l’oxymore, finance/solidaire. Qui aurait pensé que ces deux mots s’associent sans contradiction pour trouver l’un par l’autre tout leur sens.
Enfin, se dessine une économie au service de ceux confrontés à des situations de vulnérabilité. La loi PACTE prend en compte cette réalité : un droit humanisé reconnaissant aux sociétés commerciales la possibilité de se créer pour répondre à une mission.
L’article 1832 du Code civil définit la société à partir de l’affectio societatis, conduisant des personnes à se réunir en vue de se répartir des bénéfices. Désormais, au titre de l’article 1835 du Code civil, des sociétés naissent ou se transforment pour partager les bénéfices à destination du bien commun.
Comment est-on parvenu à une telle ouverture et à un tel souffle ? Là où la croissance était le maître-mot, s’éveille le développement. Ces deux mots ne sont pas des synonymes traduisant des approches différentes, le premier traduit une illimitation, le second une harmonie.
Il nous souvient de ce mot du journaliste-économiste, Jean Boissonnat, « à force d’imaginer le bien, on finit par y contribuer ». Nous y sommes presque. Depuis quelques années, la question du sens gagne les esprits et touche les cœurs.
Qui n’a pas gardé en mémoire l’intervention d’Emmanuel Faber, Président du Groupe Danone, aux étudiants d’HEC au sein de la chaire Economie et pauvreté : “Après toutes ces décennies de croissance, l’enjeu de l’économie, c’est la justice sociale…On vous a appris qu’il y a une main invisible, mais il n’y en a pas. …Il n’y a que vos mains, mes mains, nos mains qui puissent améliorer les choses.”
Que de cadres, après des parcours brillants, s’interrogent précisément sur leur engagement se demandant s’il ne serait pas l’heure pour eux - les charges familiales étant moins prégnantes - de contribuer au développement de l’entrepreneuriat.
Des étudiants, au sortir des Grandes Ecoles ou de l’Université, choisissent les entreprises non pas à partir de ce qu’elles leur offrent comme salaires, mais de ce qu’elles engagent pour lutter contre les iniquités.
Le profit, c’est bien et nécessaire, mais une autre attente se fait jour au titre de la finalité des entreprises ; nombre de leurs dirigeants ont saisi qu’ils ne trouveraient des talents que si elles contribuent à servir l’intérêt général.
Une belle ouverture avec l’entreprise des possibles suscitée par Alain Mérieux.
La fierté d’appartenir à une entreprise est directement liée à sa détermination à agir pour un monde plus humanisé. L’optimisation fiscale, hier recherchée, est devenue aujourd’hui une faute morale, pouvant même devenir une faute pénale.
A un moment où les taux d’intérêts sont très bas, la finance solidaire trouve un champ d’ouverture inattendu et inespéré. A quoi servent ces trilliards sous forme de capitaux flottants qui aggravent les inégalités, alors que cette masse d’argent pourrait être une bouée de sauvetage pour bien des naufragés de nos Sociétés.
L’utopie d’hier est devenue une réalité concrète, transformatrice de relations.
Beaucoup, se demandent comment privilégier la finance solidaire. Elle justifie votre intérêt.
Ensemble, avec lucidité et discernement, nous pouvons agir pour qu’elle devienne le vecteur puissant du changement recherché par des hommes de bonne volonté, quel que soit leur horizon politique, philosophique ou spirituel.
Au cours de cette semaine, cette forme d’économie fait l’objet d’une présentation par de nombreux acteurs sous l’égide de Finansol qui labellise les entités répondant aux critères de la finance solidaire.
Bernard Devert
8 novembre 2019
Jamais un pape contemporain n'aura été autant critiqué à un si haut niveau que le pape François.
Tous les papes ont été critiqués à un moment ou à un autre par une partie des fidèles ou des théologiens (comme Paul VI après la condamnation de la contraception), plus rarement par des évêques (on pense à Mgr Marcel Lefebvre). Or sous le pontificat présent, même des cardinaux dénoncent publiquement des déclarations ou décisions du pape François – et tous ne sont pas aussi conservateurs que le cardinal Raymond Burke ; le cardinal Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et spécialiste de la théologie de la libération, est peu suspect d'intégrisme. Les contentieux sont nombreux et variés.
Le trouble provoqué par Amoris laetitia sur l'accès des divorcés-remariés à l'eucharistie a suscité les dubia (doutes sous forme de questions) de quatre cardinaux. Doutes restés sans réponses.
Il y a eu aussi l'affaire Viganò, cet ancien nonce aux États-Unis qui a accusé le pape François d’avoir couvert le cardinal américain pédophile Theodore McCarrick.
L'été dernier, l'épuration de l'Institut pontifical Jean-Paul II pour le mariage et la famille, purgé brutalement de la théologie morale du saint pape polonais et des professeurs qui l'enseignaient, a provoqué de violents remous en Italie, et une lettre ouverte a été signée par 200 théologiens (comme Dom Jean-Charles Nault, le père abbé de l’abbaye bénédictine de Saint-Wandrille, ou l'Australienne Tracy Rowland, membre de la Commission théologique internationale)... et le soutien discret de Benoît XVI.
Dans un autre domaine, le cardinal Zen, archevêque émérite de Hong Kong, a protesté contre les Orientations pastorales pour le clergé de Chine publiées le 28 juin dernier par le Saint-Siège, qu'il juge grosses de dangers pour les fidèles de l'Eglise clandestine.
Et le déroulement du récent synode sur l'Amazonie a suscité aussi des réactions de trois cardinaux et trois évêques, qui ont exprimé séparément leur opposition au paganisme lors de cérémonies religieuses au Vatican autour des statuettes indiennes Pachamama – « qui étaient là sans intentions idolâtriques », a riposté la pape François.
A ces contentieux s'ajoute la gestion calamiteuse des finances vaticanes, dont le déficit passerait de 32 millions d'euros en 2017 à 95,3 millions en 2019.
Contrastant à l'image bonhomme transmise par les grands médias, le pape François a la réputation d'être « très autoritaire », comme le rapporte le vaticaniste Jean-Marie Guénois (Le Figaro, 20/9). A Rome, même certains de ses partisans commencent à douter.
Yves Chiron
La longue marche des catholiques de Chine
Artège, 334 p., 17,90 €
Spécialiste de l'histoire de l’Église, Yves Chiron est l'un des connaisseurs les plus avertis des catholiques chinois. Ils sont aujourd'hui dix millions. Le christianisme n'est pas une réalité neuve dans ce grand pays qui a été évangélisé dès le VIIe siècle, suite à des vagues successives de missionnaires
– franciscains, jésuites, lazaristes etc. Le premier évêque chinois fut sacré en 1685. Mais les persécutions ne manquèrent pas... et n'appartiennent hélas pas au passé. Le régime communiste utilise tous les moyens pour effacer toute trace de foi : élimination physique, emprisonnement dans des camps de travail ou de « rééducation », destruction d'églises, création d'une Église nationale séparée de Rome (l'Association patriotique catholique chinoise) tandis que l’Église catholique tentait de survivre dans la clandestinité. Des démarches ont été entreprises entre Rome et Pékin pour rapprocher les deux Églises. Un « accord provisoire » a été signé en 2018, critiqué par le cardinal Zen (ancien évêque de Hong Kong), avec qui Yves Chiron a pu s'entretenir. Le chemin de croix des chrétiens chinois n'est pas terminé...
Menée par Laurence Vanceunebrock-Mialon, député En Marche et policière ouvertement lesbienne ayant eu recours à la PMA en Belgique, une mission d'information parlementaire enquête sur les thérapies qui visent à « modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne ». Pour les pénaliser, une proposition de loi pourrait être déposée au début de l'année prochaine, avec la menace de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende. En fait, le concept de thérapie n'est utilisé par aucune association venant en aide aux
homosexuels souhaitant sortir de leur situation. En particulier, ce n'est pas le cas de l'association catholique Courage, apostolat né aux États-Unis en 1980 et en France en 2015, pour « accompagner les personnes ressentant une attirance homosexuelle », leur assurant « un accueil et un soutien confidentiel ». Par des rencontres fraternelles, une session annuelle et des retraites, Courage se veut « une aide dans la croissance spirituelle, sur le chemin de la chasteté et de la sainteté », mais « n'est pas un parcours thérapeutique ». Soutenue par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, l'association est pourtant dans le collimateur des groupes homosexualistes.
Pour Laurence Vanceunebrock-Mialon, suggérer la chasteté à un homosexuel est une « violence psychologique » inacceptable car « c'est lui dire que ce qu'il fait n'est pas bien » (cf. Famille chrétienne, n°2127).
Dans le courrier des lecteurs de La Croix (16/10), on peut lire ce témoignage passionnant d'Alain Pierret, qui fut ambassadeur près le Saint-Siège :
La tribune publiée dans La Croix du 27 septembre souligne l’attachement à l’Église de Jacques Chirac, « imprégné de catholicisme ».Au jour même de l’élection de Jean-Paul II n’avait-il pas en effet déclaré qu’il « était urgent que, nous arrachant à nos querelles politiciennes, une voix s’élève pour faire prendre conscience que l’Europe existe depuis deux millénaires, que son ciment a été le christianisme et que la civilisation qu’elle incarne demeure, dans ses finalités, profondément spirituelle ». J’ai connu le Bordelais Jean-Louis Tauran, futur cardinal, pendant mon séjour romain où il occupait les fonctions de Secrétaire pour les relations du Saint-Siège avec les États. Une fois par mois, je le recevais pour un déjeuner intime. Je l’ai plusieurs fois retrouvé par la suite, à Rome voire à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume où je me suis retiré. C’est à cette occasion qu’il m’a rapporté les échanges d’une tout autre nature qui vinrent ruiner cette si belle vision de notre histoire. Lorsque se réunit en 2002 la Convention qui prépare la Constitution européenne, Jean-Paul II s’inquiète : qu’en sera-t-il de cet « héritage chrétien » ? Le président de la République, qui ne s’était déjà pas rendu à Reims en 1996 pour l’accueillir, récuse le souhait pontifical. Le chancelier allemand Gerhard Schröder ne comprend pas sa position, le président du Conseil italien Romano Prodi tente de s’entremettre, en vain. Début novembre 2002 le Souverain Pontife, que peine l’attitude du chef de l’État, souhaite lui faire remettre un message personnel. Sans réponse, il décide de lui envoyer Mgr Tauran qui sera seulement reçu au Quai d’Orsay. L’entretien est orageux, au point que l’envoyé pontifical demande à Dominique de Villepin s’il est bon de poursuivre les relations diplomatiques. Un échange aura toutefois lieu lors de la dernière visite de Jean-Paul II en France. Avant de rejoindre Lourdes le 15 août 2004, il est accueilli à l’aéroport de Tarbes par le président de la République qui, courtoisement, invite un pape usé à abandonner la partie. La conclusion de ce triste épisode se jouera à Rome le 29 octobre 2004. En toute connaissance de cause, le président Chirac paraphera la Constitution européenne – sans mention de nos « racines (judéo-)chrétiennes » comme aurait dit Jean-Paul II – sous la statue du pape Innocent (!) X, élu contre le vœu de Mazarin.
Alain Pierret
La Conférence des évêques de France et Allianz Global Investors ont décidé d'ouvrir leur fonds actions Ethica à tous les investisseurs – particuliers, mouvements, associations, congrégations... Il a été lancé en 2008 à l’initiative de la conférence épiscopale pour offrir aux diocèses la possibilité de diversifier leurs placements dans un fonds d’actions de la zone euro géré selon des principes conformes à la doctrine sociale de l’Église. En effet, il applique des filtres spécifiques : au-delà des exclusions habituelles (armes controversées, pornographie, jeux d’argent, ou tabac), les entreprises sont sélectionnées selon les principes discriminants
suivants : « le respect des droits de l’humain, de la vie ; la promotion de la paix, et le respect des droits fondamentaux du travail ». Quatre principes de notation sont aussi appliqués : le développement du progrès social et de l'emploi, la préservation de l’environnement, le respect des règles de fonctionnement du marché (ni corruption ni entente illégale) et de bonne gouvernance. Enfin, les critères financiers classiques, tels que la croissance des résultats ou la valorisation des entreprises, sont pris en compte afin de construire un portefeuille de qualité. Avec plus de 80 millions d’euros sous gestion, le fonds Ethica a bien résisté aux mouvements financiers. Il est géré par Allianz Global Investors et la Conférence des évêques de France participe à un comité de suivi pour veiller au respect des principes qui garantissent son caractère éthique.
Au sommaire de Chrétiens dans la Cité n°379 :
ANALYSE : Les fausses nouvelles se multiplient, y compris dans les grands médias qui pourtant prétendent les combattre. De Xavier Dupont de Ligonnès au comptage de la manif anti-PMA.
INFOS : L'Eglise à la rencontre des chercheurs - Les nouveaux écolos chrétiens - Piété populaire et sanctuaires - Homosexualité : interdiction d'en sortir ? - Monastères et périphéries - Les Hérault de l'Evangile sous tutelle - Travail et chômage - Le Parcours Oasis - Mission réussie
LES HOMMES : Cyril Chabanier - Luigi Ventura - Oilivier Giroud - Gautier Capuçon
LECTURES : La longue marche des catholiques de Chine, de Yves Chiron
INITIATIVES : Les Pèlerins de l'Eau vive
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Dans son édition du 2 octobre, La Croix citait comme la phrase du jour un propos de Mgr Michel Aupetit :
"Je n'irai pas manifester le 6 octobre." Un désaveu des manifestants catholiques ? Mais l'archevêque de Paris n'a pas apprécié et fait publier dans le quotidien comme un droit de réponse le lendemain, très discrètement, au bas de la page 20, intitulé Précision ;
« Le titre de la brève publiée dans le numéro du 2 octobre de La Croix ne rend pas compte du sens de la réponse de Mgr Aupetit à propos de la manifestation de dimanche prochain », indique le diocèse de Paris dans un message envoyé à La Croix. « Ce titre pourrait être interprété comme un désaveu envers ceux qui choisissent de participer à la manifestation. Il n’en est rien. Mgr Aupetit appelle chacun à une prise de conscience et à la nécessité d’une réaction personnelle, y compris la décision possible de manifester », poursuit le diocèse.