Léon XIV, pape de l'unité
Après un pontificat qui a provoqué de multiples divisions dans l’Église, l’élection de Robert Francis Prevost sur la chaire de Pierre laisse espérer un retour à davantage d’unité.
L’élection rapide et inattendue de Robert Francis Prevost, 69 ans, comme 267e successeur de saint Pierre montre que les cardinaux de sensibilités très diverses ont su se retrouver facilement dans un candidat capable de renforcer l’unité du peuple de Dieu. Le nouveau pape est généralement décrit comme un modéré, avec des positions qui ne s’alignent ni pleinement sur le progressisme ni sur le conservatisme (pour autant que ces catégories soient pertinentes), mais qui varient selon les enjeux. D’un côté, avec une sensibilité pastorale proche de celle du pape François, le prélat américain a montré une attention à la justice sociale, au soutien aux plus pauvres, aux migrants et aux périphéries géographiques et sociales,. Son expérience missionnaire au Pérou (1985-1998, puis évêque de Chiclayo, 2014-2023) et son choix du nom Léon, suggère une référence à Léon XIII (pape de la doctrine sociale avec la grande encyclique Rerum novarum), est peut-être révélateur d’une préoccupation pour les questions politiques et sociales. Sur la terre des Incas, il a déployé non seulement son zèle pastoral mais encore son talent de diplomate, acteur de la paix civile dans un contexte tendu.
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Réformateur raisonnable, il devrait prolonger à sa façon le processus synodal. Toutefois, il n’est pas un progressiste : nommé à la tête du dicastère pur les évêques, il a bloqué des initiatives comme le « Conseil synodal » allemand et s’est opposé à l’ordination des femmes diacres lors du synode sur la synodalité, arguant que cela pourrait « cléricaliser » les femmes. Il a également rejeté la proposition de démocratiser le choix des évêques par une consultation des laïcs. Concernant la déclaration Fiducia Supplicans (qui autorise la bénédiction de couples de même sexe), il a prôné une grande latitude pour les conférences épiscopales, certaines d’entre elles (notamment en Afrique) la refusant publiquement. Il a d’ailleurs dénoncé des « croyances et des pratiques qui sont en contradiction avec l’Évangile », tel le « style de vie homosexuel » et les « familles alternatives composées de partenaires de même sexe et de leurs enfants adoptés ». Dans son évêché péruvien, il s’est opposé aux enseignements sur le genre à l’école : « la promotion de l’idéologie du genre est déroutante, car elle cherche à créer des genres qui n’existent pas ».
Le tempérament du nouveau pontife romain est à l’exact opposé de celui de son prédécesseur. Autoritaire, parfois colérique, François se montrait parfois peu soucieux du droit de l’Église, au point que des canonistes ont contesté la validité de certaines de ses décisions (dont le motu proprio Traditionis custodes limitant la messe traditionnelle). La discrétion de Léon XIV s’accompagne d’une grande maîtrise de ses dossiers. Il est docteur en droit canonique à l’Angelicum (Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin). Il a un profil de médiateur : sa réputation au Vatican, renforcée par son rôle de préfet du Dicastère pour les évêques (2023-2025), est celle d’un homme d’écoute, aimant travailler en équipe, capable de concilier des points de vue divergents.
Cela le positionne comme un pont entre progressistes et conservateurs, recherchant l’unité de l’Église plutôt qu’une rupture. Ce qui serait conforme à sa devise cardinalice : In Illo uno unum, extraite du commentaire de saint Augustin sur le psaume 127 : sed et nos multi in Illo uno unum, que l’on traduit par « bien que nous soyons nombreux, nous sommes un dans le Christ ».
Un dernier point a été peu relevé par les journalistes. Il s’est présenté comme un augustinien, non seulement en tant que membre (et même prieur général de 2001 à 2013) de l’Ordre de Saint-Augustin, mais aussi en tant que disciple du plus grand docteur de l’Église. Comme Benoît XVI et comme les penseurs postibéraux américains.
Denis Sureau