Intouchable loi Veil
La session annuelle de formation organisée par
la Commission doctrinale de l'épiscopat (présidée par Mgr Pierre-Marie Carré, archevêque d'Albi) et le groupe de travail sur la bioéthique (présidé par Mgr Pierre d'Ornellas, archevêque de
Rennes) a réuni une soixantaine d'évêques sur le thème Le début de la vie humaine : aspects scientifique, éthique, juridique pour un discernement pastoral. Le cardinal André
Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, dans un entretien à Ouest France (18/2), a réaffirmé, dans la perspective
de la révision des lois de bioéthique prévue en 2009 « le respect absolu de la vie humaine, en raison de sa dignité intrinsèque ». Suite à la
décision de la Cour de cassation d'autoriser l'inscription à l'Etat civil de tout fœtus né sans vie, il a rappelé que « la position de l'Eglise est que l'on doit agir comme si
l'embryon était une personne ». Mais le discours s’est
ensuite brouillé, lorsque le cardinal Vingt-Trois a tenu à préciser que la réaffirmation du statut du fœtus ne remet pas en cause la loi sur l'avortement: « jamais l'avortement n'a
été légalisé. Il a été dépénalisé, ce n'est pas la même chose. Mme Veil n'a jamais voulu établir un droit à l'avortement. Elle a voulu atténuer des situations de détresse en ne laissant pas
subsister une pénalisation considérée alors comme disproportionnée ». Le propos est curieux. Comme le note Rémi Fontaine (Présent, 20/2), d’une part on comprend mal
pourquoi l’Eglise devrait craindre de mettre en cause la loi Veil ; d’autre part depuis 1975 la législation (1994 ; 2001) et la jurisprudence ont évolué en affirmant l’avortement comme
un droit fondamental des femmes. Comme le souligne Tugdual Derville,
délégué général de l’Alliance pour les droits de la vie, « la situation est doublement paradoxale : d’abord l’Église tente de prendre les adversaires du respect de la vie à leur
propre logique, celle de leur sacro-sainte loi de 1975 (même si, depuis, le législateur a malheureusement consacré un vrai droit à l’avortement) ; ensuite c’est au moment où les évêques se
mobilisent fortement pour que soit respecté le début de la vie qu’on en vient à faire croire qu’ils baisseraient les bras sur la loi de 1975 » (France catholique,
23/2). Soupçon habilement confirmé par Axel Kahn, qui est intervenu lors de la session épiscopale comme expert, et qui a déclaré à propos de la loi Veil qu’il défend : « Cette
question n’est pas au centre d discours de l’Église, contrairement aux évangélistes américains qui en ont fait leur cheval de bataille. Même si les décisions de la Cour de cassation pourraient
donner aux autorités catholiques les arguments pour reprendre leur combat contre la loi Veil, je ne pense pas que ce soit leur volonté » (Le Figaro, 19/2).