Bénédiction des "couples" homosexuels : bronca contre Rome

Publié le

La publication de Fiducia Supplicans le 18 décembre provoque une contestation sans précédent dans l'Eglise. Publié par le Dicastère pour la Doctrine de la foi et approuvé par le Pape, le document autorise la bénédiction des « couples en situation irrégulière et les couples de même sexe » à condition de ne pas « créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage ».
En 2021, le même dicastère, alors dirigé par le cardinal Ladaria, avait publié une déclaration avec l’aval du pape François, qui répondait non à la question :  « L’Église dispose-t-elle du pouvoir de bénir des "unions" de personnes du même sexe ? »
En octobre dernier le synode sur l’avenir de l’Église avait repoussé la perspective de bénir des couples homosexuels. 
Selon Jean-Marie Guénois, le vaticaniste du Figaro, « L’annonce a provoqué une «bronca» sans précédent dans l’histoire récente de l’Église...Mis à part les conférences épiscopales d’Allemagne et de Belgique qui se sont réjouies, de nombreuses autres ont publiquement protesté et annoncé qu’elles n’appliqueraient pas ce nouveau règlement. Non par homophobie, puisque l’Église prévoit depuis longtemps la bénédiction individuelle de personnes homosexuelles, mais parce que jamais encore le Saint-Siège - par la voie de son instance doctrinale la plus élevée -, n’avait accepté la bénédiction de couples homosexuels. L’intention très pastorale et l’esprit du texte - qui encadre strictement cette pratique - ne vont pas dans ce sens simpliste mais la déclaration, intitulée «Fiducia supplicans», a été perçue et saluée, notamment par la communauté LGBT+, comme un feu vert de l’Église catholique à l’union homosexuelle, jamais encore reconnue officiellement. »

Le Père James Martin, jésuite militant pour la cause LGBT dans l’Église, proche du pape François et conseiller du Dicastère pour la communication du Saint-Siège, a déclaré sur X et sur son blog : « Il s’agit aussi d’un changement net par rapport à la conclusion “Dieu ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché” d’il y a à peine deux ans. La déclaration ouvre la porte aux bénédictions non liturgiques pour les couples de même sexe, ce qui était auparavant interdit aux évêques, aux prêtres et aux diacres. Avec beaucoup de prêtres, je suis maintenant heureux de bénir mes amis dans les unions du même sexe. »

Pour le vaticaniste et historien Christophe Dickès, « Dans l'histoire contemporaine de l'Eglise, jamais un texte n'avait suscité autant d'opposition chez les évêques.... La question est aussi de savoir à quoi peut bien servir un synode si Rome dit exactement le contraire des travaux du "peuple de Dieu" qui s'est à peine rassemblé et qui doit se retrouver l'année prochaine ? »

L’incompréhension déborde largement les catholiques réputés « conservateurs » et, situation inédite, ce sont des conférences épiscopales entières qui s'opposent à Rome. Voici un échantillon non exhaustif des réactions (n'hésitez pas à nous aider à la compléter : contact@chretiensdanslacite.com) :

Afrique : un refus total

Le cardinal Sarah a félicité les conférences épiscopales africaines dans leur refus : « On s’oppose à une hérésie qui mine gravement l’Église ».

« Les Conférences épiscopales à travers l’Afrique, qui ont fortement réaffirmé leur communion avec le Pape François, estiment que les bénédictions extra-liturgiques proposées dans la Déclaration Fiducia supplicans ne peuvent pas être réalisées en Afrique sans s’exposer à des scandales. »
Malawi : afin « d’éviter de créer une confusion parmi les fidèles », la Conférence épiscopale a indiqué que « pour des raisons pastorales, les bénédictions de toute sorte et pour les unions homosexuelles de quelque nature que ce soit ne soient pas autorisées, conformément à l'enseignement catholique immuable selon lequel l'Église ne peut pas bénir des relations pécheresses. Bien sur les personnes individuelles peuvent être bénies si elles désirent recevoir l'aide de Dieu pour changer de vie et accueillir son amour. »
Zambie, la Conférence des évêques du pays a déclaré que cette mesure «ne pourra pas être appliquée». 
Nigeria : «Il n’existe aucune possibilité dans l’Église de bénir des unions entre personnes de même sexe», car «cela irait contre la loi de Dieu, les enseignements de l’Église, les lois de notre nation et les sensibilités culturelles de notre peuple.»
Rwanda : les bénédictions pour les "couples" de même sexe risquent d'être « confondues avec le sacrement du mariage » ; or «  l'Église ne peut pas bénir le mariage entre personnes de même sexe car cela est contraire à la loi de Dieu. » 
Zimbabwe : « Dans le respect de la loi du pays, de notre culture et pour des raisons morales, nous demandons aux pasteurs de s'abstenir de tout acte qui peut être considéré comme une bénédiction pour les unions homosexuelles, apportant la confusion et même le scandale à notre peuple. » 
Cameroun : dans une déclaration argumentée, la conférence des évêques interdit « formellement toutes bénédictions des « couples homosexuels » 
Congo : « Non à toute forme de bénédiction de "couples" de même sexe. » 
Togo : les Evêques recommandent aux prêtres de s'abstenir des bénédictions de couples homosexuels.
Côte d’Ivoire : "En réaction à la récente déclaration controversée du Dicastère pour la Doctrine de la foi, intitulée "Fiducia Supplicans", les Archevêques et Évêques Catholiques de Côte d'Ivoire ont clairement exprimé leur opposition à la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe."
Kenya : la conférence des évêques déplorent que certains aspects de Fiducia supplicans « provoquaient de l’anxiété et même de la confusion parmi les chrétiens et, en général, parmi le peuple de Dieu. (…) Dans notre réalité, ici en Afrique, nous sommes très clairs sur ce qu’est une famille et un mariage ». 

Gabon : la conférence épiscopale interdit les bénédictions de couples de même sexe.   

Ghana:  Mgr John Kobina Louis, évêque auxiliaire d’Acrra a dénoncé comme contraires au commandement de Dieu et « comme une abomination pour la culture ghanéenne » les pratiques lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transgenres, Queer et intersexuelles.

Burkina et Niger: « Cette union est contraire à la volonté de Dieu et ne saurait donc bénéficier de bénédiction », ont écrit les évêques.

Angola et Sao Tomé : la conférence épiscopale interdit la bénédiction des couples homosexuels ou irréguliers car « cela provoquerait un grand scandale et une grande confusion parmi les fidèles ».


Europe


Allemagne : Le cardinal Gerhard Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi de Benoît XVI, a qualifié ce type de bénédiction par un prêtre comme un «acte sacrilège et blasphématoire». 

Pays-Bas : Mgr Robert Mutsaerts, évêque auxiliaire du diocèse de 's-Hertogenbosch a publié une déclaration ferme contre « l'ambiguïté diabolique » de Fiducia Supplicans.
Espagne : Mgr José Ignacio Munilla, évêque d’Orihuela-Alicante rappelle que « la charité pastorale est un appel pour que tous les pécheurs soient bénis, mais pas pour bénir notre péché ». Mgr Jesús Sanz, archevêque d'Oviedo (Espagne) dit que la déclaration  est « un document qui confond et trompe. Nous bénissons les personnes, pas les relations et les circonstances ». 
Danemark : Mgr Czesław Kozon, évêque de Copenhague, n’est pas tant en désaccord avec le fond qu’avec « la manière dont elle [la déclaration] sera reçue et interprétée ». 
Suisse : Mgr Marian Eleganti, évêque auxiliaire émérite de Coire, refuse la bénédiction aux couples de même sexe. 
Grande-Bretagne : la Confraternité Britannique du Clergé Catholique, qui représente plus de 500 prêtres et diacres déclare : « Les "bénédictions de "couples" homosexuels sont théologiquement, pastoralement et pratiquement inadmissibles. »
Hongrie : les évêques précisent : « Les prêtres doivent toujours éviter de donner des bénédictions aux "couples" qui vivent ensemble sans être mariés à l'Église, ou qui vivent dans un partenariat de même sexe. »
Pologne : la conférence épiscopale refuse de mettre en œuvre la déclaration, affirmant qu'« il est pratiquement impossible d'éviter la confusion et le scandale ». 
Ukraine : pour la conférence épiscopale ukrainienne, la déclaration du dicastère revêt un « danger par sa formulation ambiguë qui provoque des interprétations divergentes parmi les fidèles... il n'y a pas de bénédiction pour vivre dans le péché ».
France :

Dans un communiqué daté du 10 janvier, le conseil permanent de l'épiscopat encourage la bénédiction des personnes homosexuelles qui en feraient la demande mais pas des couples.

Les dix évêques de la Province ecclésiastique de Rennes  (France) demandent de ne pas bénir de "couples" homosexuels, ni non-mariés à l'église mais uniquement des personnes individuelles.

Mgr Michel Aupetit, ancien archevêque de Paris, rappelle : «  : L'enseignement de l'Église à la suite du Christ est constant : il faut bénir le pécheur qui est aimé de Dieu mais jamais le péché qui sépare de Dieu. Cela doit permettre au pécheur de ne plus pécher et de se repentir pour revenir au Seigneur. »

Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Oloron et Lescar, publie une note qui revient à accepter les bénédictions de personnes individuelles et non les bénédictions de "couples" homosexuels : "j'invite les prêtres , si les personnes le demandent, à leur donner une bénédiction, à condition que ce soit à chaque personne individuellement, en les appelant à la conversion et en les invitant à demander le secours de la grâce que le Seigneur accorde à tous ceux qui le lui demandent pour conformer leur vie à la Volonté de Dieu ».

L'Abbaye Sainte Marie Madeleine du Barroux demande au pape de retirer le texte autorisant la bénédiction des couples homosexuels et propose aux fidèles de prier à cette intention. 
     


Asie

Kazakhstan : Dans une déclaration du 19 décembre et envoyée à tous les prêtres et à toutes les paroisses de son archidiocèse, Mgr Tomasz Peta, archevêque d’Astana, et son auxiliaire Mgr Athanasius Schneider, dénoncent à propos de la déclaration romaine «une grande tromperie», «un mal» et que les bénédictions de couples de même sexe qu’elle propose « contredisent directement et gravement la Révélation divine ainsi que la doctrine et la pratique ininterrompues et bimillénaires de l’Église catholique ».

 

Océanie

Australie : La Confraternité australienne du clergé catholique a déclaré que les bénédictions "ne peuvent jamais être accordées pour des actes pécheurs ni légitimer des relations qui sont intrinsèquement incompatibles avec le plan divin".


Amérique centrale et latine

Les évêques français de la Province Ecclésiastique des Antilles et de la Guyane refusent la bénédiction pour les "couples" en situation irrégulière ou de même sexe. "Les ministres de l’Église se doivent de bénir, sans condition préalable, toute personne qui demande individuellement une bénédiction spontanée, mais ils ne peuvent conférer de bénédiction à des "couples" en situation irrégulière ou de même sexe."

Haïti : « Les prêtres n’ont aucun droit de bénir les couples homosexuels ».

Uruguay : le cardinal Daniel Sturla, archevêque de Montevideo (Uruguay), et proche du pape François, critique le document tant pour le contenu du document que pour sa forme et a refusé de bénir les couples de même sexe à l’occasion des célébrations de Noël. 
Brésil : Mgr Adair Guimarães, évêque de Formosa, interdit dans son diocèse l'application du nouveau document du Vatican sur la bénédiction des couples irréguliers ou homosexuels. 
Argentine : Héctor Aguer, archevêque catholique émérite de La Plata, refuse les bénédictions des « couples » de même sexe. 

Pérou : Mgr Rafael Escudero López Brea, évêque espagnol de la prélature de Moyobamba, affirme que Fiducia supplicans “porte atteinte à la communion de l’Église”.

 

Amérique du nord

Etats-Unis

Mgr James Conley, évêque Lincoln, s'est prononcé contre le document du Vatican sur les bénédictions de "couples" homosexuels.

La branche américaine de la Confraternité du clergé catholique affirme que "Les comportements pécheurs et les inclinations désordonnées ne peuvent jamais être bénis ou approuvés"

Mgr Charles Chaput, archevêque émérite de Philadelphie note que Fiducia Supplicans est "un exercice à double sens qui consiste à affirmer et à réfuter simultanément l'enseignement catholique sur la nature des bénédictions et leur application aux relations 'irrégulières.... un des rôles clés du pape est d'unifier l'Église, et non de la diviser, en particulier sur les questions de foi et de morale ».

Mgr Joseph Strickland, évêque émérite du diocèse de Tyler, appelle les évêques à une "voix unie" pour rejeter le document du Vatican.

Les évêques du Dakota du Sud, Mgr Peter M. Muhich, évêque de Rapid City, et Mgr Donald E. DeGrood, évêque de Sioux Falls ont rappelé que « les ministres de l’Église ne peuvent bénir le péché ».

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article