La liberté scolaire à nouveau menacée

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La liberté scolaire à nouveau menacée

Sous prétexte de lutte contre les écoles musulmanes radicales, le ministère de l’Éducation vise principalement les établissements catholiques. Et menace gravement les écoles alternatives,

La manœuvre est subtile, et elle comporte trois dimensions.

1./Le 6 avril dernier, Najat Vallaud-Belkacem déclare vouloir lutter contre le risque de radicalisation des jeunes dans certaines écoles musulmanes (de fait, celles-ci sont pour la plupart liées aux Frères musulmans et à l’UOIF) ; elle voudrait donc modifier le système d’ouverture des écoles hors contrat en passant d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation préalable.
2./ Or, après les derniers attentats parisiens, le gouvernement entend surtout inciter les établissements musulmans à passer sous contrat, en leur apportant les financements publics correspondants.

3./ Enfin, troisième mesure en chantier, le gouvernement prépare un décret réformant « le contrôle du contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille ou dans les établissements d’enseignement privés hors contrat ». Autrement dit, la liberté de choisir les programmes dont jouissaient les écoles indépendantes (jusqu’alors uniquement tenues au respect du Socle commun de connaissances, de compétences et de culture en fin de scolarité obligatoire) serait remplacée par l’obligation d’aligner leur progression pédagogique sur « les objectifs de formation attendus à la fin de chaque cycle d’enseignement de la scolarité obligatoire ». En clair, les écoles hors contrat devraient désormais respecter les programmes de l’Éducation nationale, lesquels sont définis par cycles. Ce qui sonnerait le glas pour la liberté pédagogique.

Un décryptage attentif s’impose. En effet, les trois types de mesures envisagées sont en fait dirigées principalement contre des établissements catholiques. Les écoles indépendantes catholiques sont visées par les projets 1. et 3. : le ministère de l’Éducation nationale se donnerait le pouvoir d’empêcher toute nouvelle création d’école, et d’assurer leur formatage idéologique en les privant du choix du contenu des enseignements qui légitime pourtant leur existence. En outre les écoles indépendantes non confessionnelles créées par la Fondation Espérance Banlieues dans les cités les plus difficiles seraient directement compromises : « Si cette réforme venait à entrer en vigueur, elle rendrait impossible le travail des écoles Espérance banlieues qui ont besoin de pouvoir adapter les programmes définis par l’Éducation nationale à la réalité des besoins des enfants, constatés sur le terrain, toujours

dans le respect du socle de connaissances précédemment évoqué. En pratique, dans nos écoles, certaines matières secondaires dites d’éveil ne sont pas ou peu enseignées dans certains cycles afin de donner plus de temps aux équipes pédagogiques pour renforcer les connaissances et compétences des enfants dans les matières fondamentales, à commencer par le français qui n’est que rarement la langue parlée à la maison des élèves d’Espérance Banlieues. » L’essor considérable des écoles indépendantes est effectivement un signe d’échec très gênant d’un enseignement public naufragé.
Mais ces écoles totalement libres ne sont pas les seules à être concernées par les projets gouvernementaux, comme l’a bien souligné Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l’école (Le Figaro, 19/3). En effet, l’enseignement catholique sous contrat risque d’être encore plus asphyxié en raison de la règle dite du 80/20 : l’État limite à 20 % le nombre d’élèves inscrits dans le privé. Une contrainte forte lorsque l’on sait, comme le montrent les sondages, que 40 % des familles souhaiteraient scolariser leurs enfants dans les écoles sous contrat ; celles-ci doivent globalement refuser une inscription sur deux (et les meilleures davantage que les moins bonnes). Or si ce tabou des 20 % est maintenu et que les écoles musulmanes se multiplient, la part revenant aux écoles catholiques sous contrat sera d’autant plus réduite. Cette crainte explique la réaction des responsables de l''Enseignement catholique et de l’épiscopat face aux menaces qui se profilent.

Denis Sureau

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