Le Mammouth catho s'agite
Le soutien apporté par le Secrétariat général de l’Enseignement catholique et par l’Apel nationale aux projets gouvernementaux passe mal auprès de parents et d’enseignants.
La réforme du collège que le gouvernement veut appliquer dès septembre 2016 suscite un vaste mouvement de rejet dans l’enseignement tant public que privé. Dans ce contexte, le soutien apporté – sans débat préalable – par les instances nationales de l’Enseignement catholique et de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre provoque des tensions.
A Lyon, l’Apel de Sainte-Marie (« les Maristes »), le plus grand établissement de la région (4500 élèves), a suspendu ses liens avec l’Apel nationale. Elle l’accuse d’avoir « outrepassé sa mission en soutenant la réforme du collège sans la moindre consultation des parents, sans faire la vérité sur les implications profondes de celle-ci […], en acceptant, sans protester, la violence d’un décret au mépris des principes élémentaires du débat démocratique et parlementaire, sans connaître le contenu de la réforme des programmes ». La sécession lyonnaise pourrait en susciter d’autres, en particulier à Paris. Certains (cf. sur Twitter @PasMonApel) suggèrent aux parents de quitter l’Apel. En effet, si la cotisation à l’association est proposée ou imposée lors de l’inscription des enfants dans un établissement sous contrat, elle n’est juridiquement pas obligatoire.
Xavier Dufour, président de la Communion des Éducateurs chrétiens, résume ainsi les griefs adressés à la réforme : « Sauf coup de théâtre, la réforme du collège, dans une version plus ou moins remaniée, entrera en application à la rentrée 2016 et, comme toujours, sans aucune concertation avec les enseignants. Ces derniers sont pourtant les mieux placés pour vérifier depuis des années à quel point le nivellement par le bas, promu par les ministères successifs sous prétexte d’égalité des chances, conduit paradoxalement à creuser les écarts entre les élèves, entre les milieux, entre les établissements. Car les couches aisées bénéficieront toujours des remédiations – contournement de la carte scolaire, choix du privé, cours particuliers, culture familiale porteuse – dont les moins nanties seront dépourvues. Suppression des classes bi-langues, abandon de la pratique des langues anciennes, multiplication des écrans, érosion des temps alloués aux savoirs fondamentaux (avant tout le français), obsession d’une illusoire interdisciplinarité, quand les disciplines ne sont ni identifiées dans leur cohérence propre ni maitrisées en elles-mêmes… : l’instruction républicaine se délite en une vaste « leçon de choses », aussi incohérente que superficielle."
Le secrétaire général de l'Enseignement catholique est accusé de manquer de recul par rapport au ministère de l’Éducation tant pour la réforme du collège que la promotion de la laïcité. Dans un entretien publié par Famille chrétienne (n°1969), Pascal Balmand maintient que la réforme « comporte davantage de points intéressants que d'inconvénients ». Interrogé sur la laïcité, il rappelle qu'au lieu d'appliquer la Charte de la laïcité, il a proposé aux établissements d'adopter un texte alternatif (publié dans notre dernier numéro), précisant : « L'expression ''valeurs de la République'' peut être floue, c'est vrai. Mais former des personnes, c'est aussi former des citoyens. Les chrétiens ne sont pas étrangers au champ de la République."
Mgr Alain Castet, évêque de Luçon, a tenu à préciser sur RCF-Vendée : « Quant aux valeurs de la République qui nous sont proposées, il importe que nous réfléchissions bien en chrétiens ». Après avoir rappelé la nécessaire obéissance aux lois, il a ajouté : « Il a pu arriver dans le cours de l'histoire – et tel est le sens du martyre – que des hommes et des femmes, pour dire des valeurs essentielles, même si cela ne va pas dans le sens de la majorité, osent risquer leur vie. Souvenons-nous que, pour nous, la norme ultime, norme morale, norme légale, demeure le Christ, sa parole et son enseignement.".