Comprendre l'Orient compliqué
Dans Guerres, pétrole et radicalisme (éd. Salvator), Marc Fromager, directeur de l'AED (Aide à l’Église en détresse) en France, propose une analyse éclairante de l'embrasement du Moyen-Orient.
Centre géographique et historique du monde, le Moyen-Orient est une région d'échanges... et de conflits. Comment expliquer la crise actuelle ? On assiste à une radicalisation de l'islam sous la forme du sunnisme wahhabite, dont la diffusion est financée par les pétrodollars de l'Arabie saoudite et du Qatar. Cette radicalisation est en fait le fruit d'une crise par rapport au progrès technique (l'islam étant sous cet angle d'une totale stérilité), à la mondialisation et à la capacité d'attraction du christianisme (qui se vérifie en Afrique comme en Asie). Deuxième phénomène à signaler : la guerre entre sunnites et chiites, et concrètement entre l'Arabie saoudite et l'Iran. L'Arabie veut briser l'arc chiite (Iran, Irak, Syrie, voire le Liban compte tenu de la puissance du Hezbollah, « parti de Dieu » chiite) qui la menace en s'en prenant au maillon faible : la Syrie, pays à majorité sunnite mais gouverné par des alaouites, secte chiite. Cependant, le but de l'État islamique étant de rétablir un califat (non saoudien), une nouvelle guerre se profile, intra-sunnite. Et ces conflits sont liés aussi à des enjeux énergétiques : la découverte de réserves immenses de gaz en Méditerranée, en bordure de la Syrie, et le refus de cette dernière de faire passer le gazoduc qui, partant du Qatar, devait la traverser avant de rejoindre la Turquie puis l'Europe.
Ce chaos est également le résultat d'ingérences occidentales. Comme l'avait prophétisé saint Jean Paul II lors de la première guerre du Golfe, les interventions américaines ont eu des effets dévastateurs. L'Irak a été brisé, et 500 000 de ses enfants sont morts à cause de l'embargo. La politique américaine, indissociable d'Israël, semble viser un redécoupage du Moyen-Orient en territoires restreints, mono-ethniques et mono-religieux (les chrétiens étant toutefois absents du projet). Un morcellement favorisant le contrôle de la région. L'Europe en général et la France en particulier n'ont pas la volonté de s'opposer à ce remodelage, préférant resserrer leurs liens financiers avec les pétromonarchies : achat de pétrole et de gaz, vente d'armes, financement de notre dette, investissements...
Toutefois un nouvel acteur est passé au premier plan depuis la rentrée : la Russie. Son offensive en Syrie a commencé à faire reculer l'État islamique et les autres groupes islamistes. Vladimir Poutine est en train de rebattre les cartes. Et les chrétiens d'Orient ne peuvent que s'en réjouir.