L'écologie intégrale du Pape François
L'encyclique Laudato si' sur la sauvegarde de la maison commune propose une « écologie intégrale » où toutes les activités de l'homme sont mises en relation.
Le texte du Pape François était très attendu, et certains le commentaient déjà avant sa sortie. Combien le liront ? S'il s'adresse à tous les hommes – comme toutes les encycliques depuis celles de Jean XXIII –, un minimum d'effort est requis pour lire ces 200 pages, même si son style est généralement accessible. D'emblée, la vision qui le sous-tend est clairement catholique : la terre, notre « maison commune » est abîmée en raison de « la violence qu'il y a dans le cœur humain blessé par le péché ». La perspective du Pape François n'est pas différente de celle de celle de ses prédécesseurs, Benoît XVI en particulier. Mais il déploie la doctrine écologico-sociale de l’Église avec une ampleur inégalée.
Dans une première partie, le Pape propose un diagnostic soigneusement documenté de « ce qui se passe dans notre maison » : pollution et culture du déchet, réchauffement climatique (les « climato-sceptiques » seront déçus), menaces sur l'eau, perte de la biodiversité. Cette grande dégradation de l'environnement entraîne une non moins détérioration de la qualité de la vie humaine, par une urbanisation désordonnée, des moyens de communication déshumanisants ou des inégalités fortes. En passant, François affirme que l'augmentation de la population n'est pas un problème lorsqu'un tiers des aliments produits sont détruits. Il attribue la faiblesse des réactions face à cette situation à « la soumission de la politique à la technologie et aux finances».
Le deuxième chapitre, plus spirituel et théologique développe « l'évangile de la Création ». S'appuyant sur une lecture corrigée de la Genèse et des récits bibliques, le Pape nous invite à l'émerveillement dans la contemplation d'une Création où Dieu est toujours présent. Hélas, avec la rupture originelle, l'homme voulant prendre la place de Dieu a dénaturé sa mission de « soumettre » la terre. Ce mal est à la racine de la crise écologique qui est analysée dans le chapitre suivant. Le Pape se livre à une véritable déconstruction des « mythes de la modernité » qu'il énumère : « individualisme, progrès indéfini, concurrence, consumérisme, marchés sans règles ». S'inspirant des analyses du théologien Romano Guardini (cher à Benoît XVI), François dénonce le « paradigme technocratique » qui fonde le projet d'une croissance infinie ou illimitée. Ce modèle est l'expression de « l'anthropocentrisme moderne », ce « rêve prométhéen de domination sur le monde », de l'affirmation de l'homme qui « se déclare autonome par rapport à la réalité » et « se pose en dominateur absolu ». Il en découle un « relativisme pratique » et des atteintes à la vie telles que les expérimentations sur les embryons humains ou l'avortement. C'est dans ce contexte que le Pape aborde la question des OGM , avec une réponse subtilement nuancée.
Dans un quatrième chapitre, le Pape François propose une « écologie environnementale, économique et sociale », bref une « écologie intégrale ». Il répète à plusieurs reprises : « Tout se tient ». On notera aussi en passant une attention spéciale portée à la défense du patrimoine historique et culturel dont la diversité est incompatible avec des « réglementations uniformes ». Le chapitre suivant propose quelques lignes d'orientation et d'action qui tournent d'un dialogue international que l'interdépendance rend indispensable.
Le dernier chapitre est intitulé Education et spiritualité écologiques. Dépassant une thématique bien connue (miser sur un style de vie sobre, exercer notre responsabilité sociale de consommateur, ne pas gaspiller...), le Pape invite les chrétiens à une « conversion écologique », déclarant : « Vivre la vocation de protecteurs de l'oeuvre de Dieu est une part essentielle d'une existence vertueuse ; cela n'est pas quelque chose d'optionnel ni un aspect secondaire dans l'expérience chrétienne ». Il nous faut reconnaître le monde comme don reçu de Dieu (en commençant par rendre grâce avant et après les repas). Vivre aussi simplement, en prenant son temps, dans les rencontres fraternelles, « le déploiement de ses charismes, dans la musique et l'art, dans le contact avec la nature, dans la prière ». Et développer un « amour civil et politique », ne serait-ce qu'à travers les associations qui oeuvrent pour embellir notre environnement naturel et urbain. Enfin le Pape consacre de beaux paragraphes aux sacrements, « mode privilégié de la manière dont la nature est assumée par Dieu et devient médiation de la vie surnaturelle ».