Pâques, le ‘vivre ensemble’ que Dieu nous offre

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Méditation pascale du Père Bernard Devert, fondateur et président d'Habitat et Humanisme :

Comment aborder le ‘vivre ensemble’ au cours de cette Semaine Sainte qui, paradoxalement, lui offre une acuité singulière ?
Père, pardonne-leur dira le Crucifié qui n’entend retenir aucune de nos fautes alors qu’elles l’écrasent. L’immensité de ce pardon est signe d’une ouverture au-delà même de ce que nous pouvons imaginer. Le Fils de l’homme est venu nous sauver ; son incarnation dans l’accomplissement de sa mort est signe de sa détermination de vivre avec nous, parmi nous.
Il a fallu qu’au sordide se rajoute le cupide : ils se sont partagés mes habits et mon vêtement, ils l’ont tiré au sort (Ps 22).
Dieu était déjà à genoux, il est maintenant nu.
Que dire si ce n’est apprendre à se taire pour faire éclore le silence : un temps de discernement pour rejoindre le Christ dans sa passion, en d’autres termes nos frères pour qui la dureté de la vie n’est pas sans analogie avec le bois de la Croix.
Vous, frères enfermés dans des situations déshumanisantes, vous subissez la croix de nos indifférences. Au Golgotha, les disciples, les amis de Jésus avaient fui afin d’éviter les ennuis avec les forces du mal, d’autant plus protégées qu’elles avaient reçu la bénédiction des autorités religieuses !
Devant la croix de tant d’hommes, qui n’est pas effrayé de la légèreté de notre humanité, tenté de s’éloigner tant l’horreur devient menaçante pour son équilibre.
La Semaine Sainte nous met au cœur de la présence d’un Dieu si désarmant qu’il ne peut que nous désarmer nous invitant précisément à rechercher un autre équilibre qui ne se trouve que sur le chemin d’une attention à une plus grande équité.
La passion du Christ est un focus des déséquilibres. La puissance de Dieu que nous nommons à l’envi pour justifier la nôtre ne résiste pas à l’épreuve de la crucifixion. Le Fils de l’homme, dans le tragique qui l’envahit, sans secours ni recours, donne sans réserve le pardon et sa confiance, instaurant une autre traversée de la vie. Le don se substitue à la force qu’invalide la Croix.
L’économie du salut est un appel à entreprendre différemment pour que le trop-plein de peines que connaît notre monde se transforme en une plénitude d’espérance. L’éloge de la fragilité au Golgotha nous fait entrevoir ce passage.
La pierre du tombeau a roulé ; il n’est pas seulement vide mais ouvert, non pour recevoir d’autres corps mais pour que ce signe d’ouverture soit un appel à être du côté de la vie, de Dieu même.
Quel respect avons-nous de cette vie pour laisser des êtres à la rue ou dans un habitat indigne?
Jésus qui ne reste pas dans la mort pour la traverser nous appelle à devenir des passeurs. La tâche est immense. Les deux disciples sur Emmaüs ont bien compris le soir de Pâques que l’heure n’était pas de se mettre en retrait mais de revenir dans nos Jérusalem pour être des bâtisseurs de ponts.
Nos chemins de Croix ne peuvent être ceux du souvenir mais de la mémoire ; alors seulement le tragique s’estompera. La vie libérée qu'offre Pâques induit une plus grande responsabilité pour faire reculer la ‘mocherie’.
Avec Etty Hillesum dans l’ouvrage La vie bouleversée, faisons nôtre sa prière au Seigneur : que le désir que nous avons de Lui ne s’éteigne pas en nous. Nos engagements permettent d’en évaluer l’acuité.
Joyeuse fête de Pâques.

Bernard Devert
Pâques 2015

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