La nouvelle vague théologique
Voici l'article paru dans l'hebdomadaire Famille chrétienne (n°1617 du 10 au 16
janvier 2009) :
La nouvelle vague théologique
Denis Sureau brosse, dans un livre novateur, le panorama d'une nouvelle théologie politique.
Cette nouvelle théologie, essentiellement anglo-saxonne, commence à déferler sur notre univers franco-français enfermé dans de vieux dilemmes et des résidus de
luttes stériles. Elle est politique: non qu'elle prône une théocratie hors d'âge, ni qu'elle cherche à confondre les plans. Mais elle clame fièrement que la théologie ne saurait se désintéresser
des affaires de la cité, que la respublica ne doit pas ignorer ce lien qui, au sein de la vie quotidienne, relie l'homme à Dieu.
Il n'est donc pas étonnant que cette théologie soit foncièrement héritière de celle du cardinal de Lubac, dans son souci de ne pas séparer l'ordre de la nature et
celui de la grâce. Dieu a encore droit de cité dans la cité, non pas au sens d'une absorption du politique par le théologique, mais parce qu'aucune activité humaine ne se déploie que dans la
relation avec son créateur.
Sureau montre à merveille ce que Vatican Il a apporté d'élan et de souffle à cette nouvelle théologie qui, au demeurant, manifeste un souci liturgique très
traditionnel. Le-mouvement Radical Orthodoxy, au confluent de l'anglicanisme et du catholicisme, est à cet égard exemplaire: augustinienne et lubacienne en théologie, traditionnelle en liturgie,
socialiste (au sens d'antilibérale mais non pas de marxiste) en politique, la pensée de John Milbank, Catherine Pickstock et leurs émules fait exploser tous les cadres.
On ne saurait ignorer ce que cette nouvelle théologie doit à la philosophie du communautarien Alasdair Macintyre, démontrant la nécessité d'un retour à une éthique
des vertus, mais aussi le fait que toute vertu étant qualifiée, on ne saurait faire l'économie du fait de parler en tant que chrétien. A sa suite, son élève, le théologien protestant Stanley
Hauerwas, ou le catholique William Cavanaugh, ont commencé à tracer le dessin d'une manière chrétienne de faire de la politique. Cette nouvelle théologie pose frontalement la question de
l'universalité de l'éthique et du caractère opératoire du concept de loi naturelle. De cela on peut légitimement débattre. Reste que cette pensée ouvre des portes qui semblaient définitivement
fermées: un appel d'air!
François Huguenin