Vivre en chrétiens dissidents

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Face à une société qui s'enfonce dans un totalitarisme mou, comment les chrétiens peuvent-ils vivre sinon en dissidents ?

Le journaliste américain Rod Dreher, 54 ans, méthodiste converti successivement au catholicisme puis à l'Orthodoxie, avait publié Comment être chrétien dans un monde qui n'est plus – Le pari bénédictin (Artège, 2017), livre qui fut en succès de librairie aux Etats-Unis puis en Europe et suscité de fructueux débats. Il récidive aujourd'hui avec Résister au mensonge – Vivre en chrétiens dissidents (Artège,228 p., 18 €). La première partie de son essai est une analyse du glissement du monde occidental postchrétien dans une tyrannie insidieuse faite de progressisme, de relativisme, d'égalitarisme (sous couvert d'une justice sociale dévoyée, de diversité ou d'inclusivité), d'un capitalisme de surveillance qui prépare un système de crédit social à la chinoise, d'un étouffement de la liberté d'expression qui paralyse les esprits libres – et chrétiens. Témoignages d'anciens dissidents des pays de l'Est à l'appui, il perçoit dans ces évolutions comme des analogies troublantes avec ce qu'ils ont pu vivre sous les régimes communistes, même si le goulag a disparu et si la misère a été remplacée par le consumérisme.

Les chrétiens de 2021 sont invités à entendre les leçons des anciens dissidents hongrois, polonais ou russes. A commencer le grand Soljenitsyne qui appelait à vivre sans mentir : puisque le totalitarisme se fonde sur une idéologie mensongère, le premier acte de résistance est le refus de tout mensonge ou doublepensée, comme disait Orwell. Dire et vivre la vérité – avec prudence – revient aussi à cultiver la mémoire historique et culturelle (ce qui passe par la langue), comme l'avait compris le mathématicien tchèque dissident Václav Benda, promoteur d'une polis parallèle composée de structures sociales alternatives (notamment universitaires). La force du courage suppose une vie spirituelle authentique, d'abord découverte au sein de de la famille, première cellule d'opposition aux puissances totalitaires. Plus largement, il importe de rester solidaires de nos communautés. Ce n'est pas un hasard si le fer de lance de l'opposition polonaise s'intitulait Solidarité : dans une société atomisée, les petites communautés sont des refuges, des bouées de sauvetage, qu'elles soient chrétiennes ou non. La fraternité en petits groupes est indispensable pour survivre, spécialement en temps de persécution. : « se renforcer de la faiblesse des autres », écrit Rod Dreher qui achève son livre en rappelant la valeur de la souffrance, sans jamais perdre l'espérance. 
Denis Sureau

Cet article a été également mis en ligne sur le site de Solidarnosc.
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