Entre deux tours : les catholiques perplexes
Selon un vaste sondage Harris Interactive pour La Croix réalisé le dimanche du premier tour, les deux tiers des catholiques pratiquants réguliers auraient voté à droite. Ce n'est pas une surprise, seulement la confirmation d'une tendance. Ils auraient fortement apporté leurs voix à François Fillon (44%) plutôt qu'à Emmanuel Macron (16%) et Marine Le Pen (16%), faibles résultats comparés aux choix des autres électeurs moins pratiquants ou « sans religion ». Jean-Daniel Lévy (Harris Interactive), commente : « La pratique religieuse continue d’être un frein au vote d’extrême droite. Avec le temps, la digue s’est un peu affaiblie mais elle tient toujours. » Le journal La Croix ajoute : « De ce point de vue, il sera intéressant de voir l’effet des appels de certains responsables de la droite catholique à voter pour Marine Le Pen au second tour. »
C'est le cas de Christine Boutin, qui a déclaré : «Ma décision est claire, c'est “pas de Macron”... Emmanuel Macron c'est l'incarnation de tout ce que je n'aime pas, c'est à l'opposé de mes valeurs qui ont rythmé ma vie politique. C'est le libéralisme libertaire, c'est la mondialisation, c'est l'argent, c'est la banque.»
Pourtant son successeur à la tête du Parti Chrétien-Démocrate (PCD), Jean-Frédéric Poisson, n'appelle pas à voter pour la candidate du Front national : « La catastrophe annoncée avec la dérégulation générale d’Emmanuel Macron n’est pas contrebalancée par une société bloquée et les grandes incohérences, notamment économiques, du projet de Marine Le Pen. » Le mouvement Sens Commun refuse de donner des consignes de vote, expliquant : « le vainqueur de ce scrutin, quel qu’il soit, ne saura réunir qu’une majorité divisée et impuissante, et nous continuons à croire que l’un et l’autre programmes seront dévastateurs pour notre pays : nous ne souhaitons ni le chaos de Marine Le Pen ni la déconstruction d’Emmanuel Macron. »
Cependant, comme en 2002, le rejet de certaines positions du Front national incite certains catholiques à soutenir sans enthousiasme un vote Macron. Soit implicitement, comme le suggère un communiqué de Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général et porte-parole de la Conférence des évêques de France, ou encore un éditorial de François Ernenwein dans La Croix. Soit explicitement, comme Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de La Vie, ou encore la CFTC qui, comme en 2002, appelle « à faire barrage à l'extrême-droite ».
Face à une telle alternative, il semble néanmoins probable que de nombreux catholiques opteront pour le choix de l'abstention ou du vote blanc.
Denis Sureau