Juppé-Fillon : qui est le plus papiste ?
Curieusement, alors que le candidat ouvertement catholique Jean-Frédéric Poisson n'obtenait que 1,5% (59 166 voix) lors du premier tour des primaires de la droite et du centre, le débat entre deux finalistes a pris immédiatement un tour religieux, chacun se voulant plus papiste que le pape. La course aux voix cathos est ouverte, comme si ce vote était déterminant.
Selon Alain Juppé, François Fillon a une vision « extrêmement conservatrice et traditionaliste, voire rétrograde » sur « le rôle de la femme, sur la famille, sur le mariage ». Cette attaque visait sans doute a mobiliser les électeurs de gauche au second tour des primaires. L'éditorialiste bobo de Libération (22/11), Laurent Joffrin, tenait à son tour ces propos burlesques : « Il y a désormais en France un catholicisme politique, activiste et agressif, qui fait pendant à l’islam politique. Le révérend père Fillon s’en fait le prêcheur mélancolique. D’ici à ce qu’il devienne une sorte de Tariq Ramadan des sacristies, il n’y a qu’un pas. Avant de retourner à leurs querelles de boutiques rose ou rouge, les progressistes doivent y réfléchir à deux fois. Sinon, la messe est dite. »
La violence des attaques d'Alain Juppé a surpris même certains de ses amis. Le maire de Bordeaux s'est affirmé « plus ouvert au modernisme » et « plus proche du Pape François que de Sens Commun ou La Manif pour tous » (France 2, 21/11). François Fillon a riposté : « Sur la plupart des sujets sur lesquels Alain Juppé semble vouloir me contester, le Pape François dit la même chose que moi » (TF1, 21/11).
On se souvient que Juppé, ce « catholique agnostique », avait insulté Benoît XVI en 2011 en déclarant que « ce pape commence à poser un vrai problème », car vivant « dans une situation d'autisme total ». Après avoir reproché à François Fillon d'être hostile à l'avortement – ce que son adversaire n'est que dans son for intérieur, croyant « au caractère sacré de la vie » –, Juppé a rajouté : « je voudrais aussi me réjouir, moi qui suis catholique, de l'évolution de l'Eglise catholique sur ce point, du Pape François qui invite les prêtres à pardonner ce qui était encore il y a peu impardonnable. Vous voyez que l’Église progresse » (23/11). Juppé ne connait pas manifestement le catéchisme. Car l'avortement a toujours pu être pardonné même si c'est un acte grave, comme vient de rappeler le Pape : « Je voudrais redire de toutes mes forces que l'avortement est un péché grave, parce qu'il met fin à une vie innocente. Cependant, je peux et je dois affirmer avec la même force qu'il n'existe aucun péché que ne puisse rejoindre et détruire la miséricorde de Dieu quand elle trouve un coeur contrit ».
Denis Sureau