Liberté religieuse en entreprise

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Le projet de loi gouvernemental réformant le code du travail suscite un débat sur l’exercice de la liberté religieuse en entreprise.
L’article 6 du projet El Khomri précise : « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. » Qu’en penser ? Le catholique Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC, l’approuve : « Le jour où l’on interdira à un être humain de pouvoir affirmer qu’il a une conviction religieuse, on sera dans un système dictatorial » (Famille chrétienne, n°1991). Au contraire, pour Jean-François Copé ou Marine Le Pen, ce projet encouragerait le « communautarisme », et pour Pierre Gattaz, président du Medef, « c’est une boîte de Pandore qu’on ouvre ». Ce ne sont pas les hypothétiques revendications des catholiques qui sont en arrière-plan, mais les demandes de certains musulmans : le député Les Républicains Eric Ciotti estime que le projet El Khomri « est une folie : ça veut dire qu’on va pouvoir avoir demain des revendications religieuses en entreprises, des salles de prières. »

Au-delà des polémiques politiciennes, le projet de loi semble enregistrer la reconnaissance d’une liberté fondamentale. Dans son guide sur La gestion du fait religieux dans l’entreprise privée (2014), l’Observatoire de la laïcité avait rappelé que si la liberté de conviction est un droit fondamental, consacré par la Convention européenne des droits de l’homme, ce droit ne protège pas n’importe quel comportement. Et de donner, parmi beaucoup d’autres, l’exemple d’un salarié qui, travaillant dans le rayon boucherie d’un magasin d’alimentation, refuserait d’être en contact avec la viande de porc. Selon Manuel Valls, loin d’encourager le communautarisme, le projet de loi « ancre le principe de laïcité dans l’entreprise » en affirmant le droit des employeurs de restreindre la manifestation d’une liberté de conviction contraire au fonctionnement de l’entreprise. C’est aussi l’avis de certains juristes, tel Cyril Wolmark, professeur de droit à l’université Paris X, qui explique : « Dans le code du travail, plusieurs articles fondent l’interdiction des atteintes aux convictions religieuses sur le principe de non-discrimination des salariés. L’avant-projet de loi ne reprend pas ce principe mais uniquement celui de la protection des libertés fondamentales. Or, concrètement, il est plus aisé de justifier, vis-à-vis du juge, la restriction d’une liberté qu’une mesure discriminatoire. Au final, sur le plan de l’expression religieuse, on peut craindre que le projet de loi soit moins protecteur des droits des salariés, contrairement à ce que prétendent ses détracteurs » (La Croix, 24/3).

Denis Sureau

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