Anathèmes, blasphèmes et Cie
Normalien, agrégé et docteur en philosophie, Paul Clavier enseigne à Normale Sup' et à Sciences Po. Doté d'un puissant sens de l'humour qui rend ses ouvrages très plaisants à lire, ce catholique est très soucieux de se garder de tout fidéisme et de montrer que la foi est rationnelle. En témoigne ce nouvel essai où il entreprend de convaincre ses contemporains athées que le blasphème est irrationnel : puisque l'homme n'existe pas par lui-même et doit son existence à un Créateur, « il est obligé à un certain respect envers la source de son existence ». Le deuxième commandement du Décalogue (« Tu ne pronceras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu ») s'impose à la raison, dépassant une obligation strictement confessionnelle. Il serait irrationnel et même dangereux de cantonner le religieux dans la sphère privée. Il importe au contraire de « déprivatiser la croyance en Dieu », car la condition d'une morale universelle objective est un être à qui « tous doivent tout ». Le seul remède au conflit entre croyants et « libre penseurs » est « le dialogue rationnel, la discussion argumentée, sans amalgame ». Paul Clavier ne propose pas de criminaliser le blasphème, car « on n'invite pas au respect par la violence » ; réciproquement, les athées ne doivent pas frapper d'anathème toute croyance religieuse. L'argumentation – que l'auteur a beaucoup développé dans ses autres livres – semble imparable mais convaincra-t-elle ? En ces temps d'obscurantisme séculier, il est permis d'en douter... Denis Sureau
Paul Clavier
Anathèmes, blasphèmes & Cie
Le Passeur, 208 p., 17 €