Pour une liberté responsable

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Les tueries des 7-9 janvier ont provoqué une immense agitation où se mêlent émotion,compassion, manipulation et récupération – au détriment de la réflexion, notamment sur une juste liberté d'expression.

La liberté d'expression n'a jamais été pour l’Église un absolu. Le concile Vatican II (Inter mirifica) demandait aux pouvoirs publics de s'assurer que les médias ne causent pas « de graves préjudices aux moeurs publiques et aux progrès de la société », violent les droits à la réputation, fournissent de fausses informations pour manipuler l'opinion (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n°2498). Dans l'avion le ramenant des Philippines, le pape François n'a rien dit d'autre : « On ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas la tourner en dérision. Dans un discours, le pape Benoît avait parlé de cette mentalité post-positiviste, de la métaphysique post-positiviste qui finit par conduire à croire que les religions ou les expressions religieuses sont une sorte de sous-culture, qu’elles sont tolérées, mais sont peu de chose, elle ne font pas partie de la culture des Lumières. C’est un héritage des Lumières. Tant de gens parlent mal des religions, s’en moquent, jouent avec la religion des autres. (...) Toute religion a sa dignité, toute religion qui respecte la vie humaine, la personne humaine. Je ne peut pas m’en moquer. Et c’est une limite. Dans la liberté d’expression, il y a des limites... » Le pape avait illustré son propos en affirmant que si un ami disait du mal de sa mère, il devait s'attendre à recevoir un coup de poing !
« La liberté de la presse est aussi un pouvoir. Or, en démocratie, aucun pouvoir sans bornes ne saurait être légitime », remarque le philosophe Tzvetan Todorov (La Croix, 21/14). La liberté d'informer n'est pas la liberté d'insulter et de blasphémer. Un journal tel que Charlie Hebdo ne peut revendiquer aucune immunité lorsqu'il publie ad nauseam des dessins représentant le pape ou les Personnes de la Sainte Trinité se livrant à la sodomie – ou en attisant sciemment l'ire des musulmans. Et si l'assassinat des journalistes est évidemment regrettable, les victimes collatérales de leur abjection ne méritent pas moins notre copassion : en deux jours au Niger, une dizaine de chrétiens ont été tués, 173 blessés, et 45 églises ont été incendiées. Situation paradoxale où l'on voit des chrétiens devenir les bouc-émissaires payant à la fois pour l'ignominie de leurs adversaires et l'irresponsabilité d'un État incapable de comprendre le défi islamiste, aveuglé par un discours sur les « valeurs de la République » aux consonances mythiques et mystiques : ainsi on a entendu Claude Bartolone déclarer : « il y a une religion suprême pour chacun d'entre nous : c'est la religion de la République. »

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