Une grande encyclique sociale
L'encyclique sociale de Benoît XVI était attendue.
D'abord parce que vingt-deux ans après Centesimus annus, le dernier grand texte magistériel sur « l'enseignement social de l'Eglise », le phénomène de la mondialisation a pris une telle importance qu'un éclairage romain devenait chaque jour plus utile.
Ensuite, parce que la personnalité du successeur de Jean Paul II sur le Siège de Pierre ne pouvait manquer d'attiser l'a curiosité. Théologien de grande envergure, Joseph Ratzinger devenu Benoît XVI ne pouvait se contenter de répéter ce que les pontifes antérieurs avaient exposé. Son exigence de rigueur dans la réflexion et l'expression l'a conduit à renvoyer à de nombreuses reprises la copie de ses collaborateurs. L'encyclique était conçue pour célébrer le quarantième anniversaire de l'encyclique Populorum progressio de Paul VI. Plutôt que de respecter le calendrier en produisant un texte insatisfaisant, le Pape a préféré rajouter deux bougies sur le gâteau en reportant la publication du document.
Enfin, et c'est la troisième raison à relever, l'encyclique de Benoît XVI attire les regards en raison de la crise économique et financière qui secoue la planète et, par voie de conséquence, l'idéologie de la « mondialisation heureuse ». A l'automne 2008, devant les évêques réunis en synode, le Saint-Père avait tenu ces propos presque brutaux: « Aujourd'hui, nous le voyons bien avec la faillite des grandes banques: l'argent disparaît; il n'est rien. » La radicalité de l'analyse tranchait sur la prose parfois complaisante des chrétiens libéraux. Caritas in veritate n'a pas pour but d'apporter un diagnostic technique des secousses présentes mais, plus profondément, de montrer la fécondité de la vision chrétienne de l'économie et de la société, seule capable d'éviter au monde de tels désordres et drames.
Pour élaborer son encyclique sociale, Benoît XVI a beaucoup consulté. C'est sa méthode: beaucoup écouter, beaucoup réfléchir et enfin agir avec prudence et fermeté au moment opportun. Mais
Caritas in veritate est tout sauf composite. Le texte
porte la marque très personnelle de celui qui l'a signé...
La suite de ce texte est publié comme
commentaire de la première édition de l'encyclique publiée par les éditions Téqui/Saint-Paul avec une préface de Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne.
www.transmettre.fr (paiement en ligne).
AMNESTY INTERNATIONAL POURL'AVORTEMENT
Le virage d'Amnesty International en faveur du droit à l'avortement a été une nouvelle fois confirmé avec son intervention auprès du Nicaragua, l'un des derniers pays à interdire le meurtre de l'enfant à naître. Widney Brown, directrice générale du programme Droit international et politique de l'ONG, a déclaré dans un communiqué : « tant que l'interdiction totale sans exception est en vigueur, le Nicaragua foulera aux pieds ses obligations au regard du droit international qui lui impose de protéger les droits humains ». Amnesty International appelle les États « à prendre les mesures suivantes afin de prévenir les graves atteintes à ces droits », à savoir : « abroger toutes les lois qui permettent l'incarcération ou toute autre sanction pénale contre les femmes qui ont recours ou tentent d'avoir recours à l'avortement et (...) ceux qui fournissent des informations sur le sujet ou pratiquent des avortements ; (...) prendre toutes les mesures nécessaires pour que des services d'avortement, sûrs, légaux, accessibles, acceptables et de bonne qualité soient à la disposition de toutes les femmes qui en ont besoin » etc.
Cimade vs Malte
Le conflit qui oppose la Cimade et le gouvernement suite à la la réforme de l'assistance aux étrangers placés dans les centres de rétention administrative (cf. Chrétiens dans la Cité, n°223) fait des dégâts collatéraux entre organisations chrétiennes. L'association protestante a engagé des procédures judiciaires pour conserver son monopole. Une démarche soutenue notamment par le Secours catholique (et son président, le socialiste François Soulage) et Emmaüs, mais contre l'Ordre de Malte qui, avec quatre autres associations, a été retenue par l'Etat pour accompagner les immigrés illégaux. Le Conseil d'État a validé le décret qui définit leurs missions en matière d'aide à l'exercice effectif des droits des étrangers. Une affaire à suivre...
Un Haut conseil contre la famille
Annoncé de longue date et convoqué le 5 juin pour une première réunion à Matignon, le Haut conseil de la famille a été créé pour « évaluer les évolutions sociales, économiques et démographiques » et mener « les réflexions nécessaires dans le cadre du financement de la branche famille de la sécurité sociale et de son équilibre financier ».
Au terme d'une gestation de deux années, le Haut conseil de la famille remplace la Conférence annuelle de la famille et le Haut conseil de la population et de la famille. Il est présidé par Bertrand Fragonard, président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Cependant sa légitimité est déjà contestée en raison de sa composition. Après l'avoir critiquée, le Medef et la Cnaf ont finalement accepté d'être présents, mais sans grande conviction. Quatre syndicats (Cftc, Cgc, Cgt, Fo) refusent quant à eux d'y participer, s'opposant à ce que l'Unaf et ses affiliés aient le même nombre de sièges que les partenaires sociaux. Pascale Coton, secrétaire générale adjointe de la Cftc, explique cette position : « La légitimité à s'exprimer sur le rapport entre vie professionnelle et vie familiale appartient aux partenaires sociaux, représentants élus des travailleurs. Ces travailleurs étant les vrais financeurs de la branche famille de la Sécurité Sociale. Pour preuve, le premier thème de travail de ce Haut conseil : les congés parentaux. Comment l'Unaf qui n'a aucun lien avec l'univers de l'entreprise peut-elle s'exprimer sur ce sujet en pouvant réellement tenir compte de tous les paramètres inhérents au monde du travail ? »De son côté, l'Union des familles en Europe a formé un recours contentieux devant le Conseil d'État contre le monopole accordé à l'Unaf et aux associations familiales qu'elle contrôle. L'Ufe s'étonne : « Pourquoi n'y a-t-il dans ce conseil que des membres de cette instance ? Parce qu'une ordonnance de 1945, reprenant un décret-loi de 1942, confie à un organisme unique, l'Unaf, le monopole de la représentation des familles auprès des pouvoirs publics. Un peu comme si l'ensemble des salariés ne pouvait être représenté que par un syndicat unique. » Dans ses rapports 2004 et 2005, la Cour des Comptes avait mis en doute la représentativité de l'Unaf, cet interlocuteur choisi par l'Etat et grassement entretenu par lui (25 millions d'euros par an). De ce fait, affirme l'Ufe, « l'Unaf mène une politique très complaisante à l'égard des pouvoirs publics ».
Lors de la première réunion du Haut Conseil - passée presque inaperçue -, le « dossier prioritaire » qui a été retenu est celui de « la refondation des congés parentaux », dans la perspective évoquée par Nicolas Sarkozy en février: limiter l'« immense gâchis » que serait l'absence des femmes du marché du travail. Pistes avancées : en réduire la durée (actuellement jusqu'à trois ans) et inciter les papas à le prendre - voire même de les contraindre à y avoir recours, comme dans certains pays du Nord. Le Haut conseil devra trouver mieux pour acquérir sa légitimité.
Le prêt de l'espérance
Certains publient des déclarations sur la crise. D'autres agissent. C'est le cas de l'épiscopat italien, qui vient de lancer une vaste opération de soutien financier aux familles touchées par la crise.
L'opération Le prêt de l'espérance menée avec le soutien de l'Association des banques italiennes (ABI) vise à accorder un prêt de 500 euros par mois, sur une période maximum de deux ans, aux familles de trois enfants au moins (ou avec un enfant handicapé) momentanément sans revenus (les concubins ne sont pas concernés). Prêt remboursable sur maximum cinq ans, lorsqu'un des parents aura retrouvé un travail. Le taux proposé (4,5 %) est moitié moins élevé que celui pratiqué par les banques de la péninsule. Le dimanche de la Pentecôte, une quête exceptionnelle sera organisée lors des messes afin de constituer un fonds de départ de 30 millions d'euros. De quoi permettre à l'ABI de proposer à 20 000 ou 30 000 aux familles pauvres la somme de 180 millions d'euros sur trois ans. Pour en bénéficier, elles doivent contacter leur paroisse ou l'antenne locale de la Caritas (l'équivalent du Secours catholique) qui les orienteront vers les banques participant à l'opération (Unicredit, Intesa San Paolo, Monte Paschi di Siena etc.). Réponse sera donnée dans un délai inférieur à trois semaines.
En présentant l'opération, le cardinal Bagnasco, président de la conférence épiscopale italienne, a déclaré qu'elle s'inscrit dans la tradition « des pratiques anciennes dont l'exemple le plus significatif est celui de saint Paul qui organisait la collecte pour les pauvres de Jérusalem ». L'expérience est cependant exemplaire, car elle témoigne de la capacité de l'Église à se déployer dans la cité comme le corps social alternatif qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. Au lieu d'en appeler à l'Etat et de réclamer un surcroit d'intervention technocratique (sur le mode social-démocrate), elle se révèle comme disposant de la capacité d'agir directement contre la misère et pour la famille. Plutôt que de renforcer l'Etat de l'assistance – pour reprendre l'expression qu'utilisait
Jean Paul II –, l'Église italienne se présente comme un espace pleinement social, ouvert tant aux catholiques qu'à ceux qui ne le sont pas (il n'est pas demandé aux familles sollicitant un prêt une attestation de catholicité), répondant concrètement à un besoin concret. Un exemple à méditer...et à suivre.
Pièges à gogos
Le procédé est rodé, la technique parfaitement au point. On l'enseigne dans les stages de marketing direct. Vous recevez un courrier facile à lire: gros caractères et grands sentiments. Sur quatre pages, le même argument revient en boucle, tous les trois paragraphes. Au cas où vous ne l'auriez pas compris une première fois, on vous le sert à nouveau, on le rabâche. Vous êtes séduit, vous êtes conquis : c'est exactement ce que vous pensez. Horreur de l'avortement, débâcle de l'Education nationale, scandale des pédophiles relâchés dans la nature, ruine des retraites, oppression fiscale... Les motifs d'indignation ne manquent pas. Comment un homme de bonne volonté pourrait rester insensible ? Oui, il faut réagir, et vite! Mais que faire?
Or on vous propose immédiatement la solution: signer la pétition qui va secouer les pouvoirs publics, participer au grand « référendum » qui va enfin faire bouger les choses. Et puis surtout, pour multiplier les signatures, toucher la grande masse, il faut envoyer de l'argent, le nerf de la guerre. C'est tout simple: il suffit de cocher « OUI, je m'associe à votre action... », de retourner le « Bon de soutien » avec votre chèque (la maison accepte aussi la carte bleue).
Aux Etats-Unis, cela s'appelle du fund raising, en France de la collecte de fonds. La méthode n'est pas blâmable en elle-même lorsqu'elle est utilisée pour des oeuvres qui agissent concrètement. Par exemple, dans son dernier rapport, la Cour des Comptes a donné une appréciation très positive à la Fondation d'Auteuil, pour la bonne gestion des 93 millions d'euros collectés chaque année. Mais il en va tout différemment pour ces associations apparues ces dernières années à l'origine douteuse, au fonctionnement opaque et à l'utilité incertaine. Prenez garde aux pièges à gogo, « pompes à fric » et « racket de vieilles dames »: avant de donner, réfléchissez !
Pour une propriété anticapitaliste
A l'heure où la crise financière mondiale bouleverse les fausses certitudes constitutives d'une « mondialisation heureuse » fondée sur le
capitalisme,
les analyses économiques et politiques du grand écrivain britannique G.K. Chesterton invitent à renouveler notre regard. Publiées à la veille de la première grande crise – celle de 1929 -, et traduites pour la première fois, elles dénoncent la dévastation de la nature, la perversité de la grande distribution, les illusions de la technique et « la tyrannie des trusts ». Tout cela au nom du distributisme, propre aux catholiques sociaux anglais, proposant « de distribuer les grandes fortunes et les grandes propriétés » sans tomber l'écueil du socialisme étatiste. « Une société de capitalistes ne contient pas trop de capitalistes, mais trop peu...». Évidemment, même lorsqu'il se fait l'écho de telles thèses, Chesterton demeure Chesterton: non un austère théoricien multipliant les démonstrations rigoureuses mais un prosateur à l'infatigable humour, jonglant avec les vérités paradoxales jusqu'à plus soif.
Gilbert Keith Chesterton
Plaidoyer pour une propriété anticapitaliste
Éditions de L'Homme Nouveau, 240 p., 22 € www.hommenouveau.fr
Maritain et la disparition de l'Eglise
Les éditions Ad Solem viennent de publier Torture et eucharistie, le premier livre du
théologien (laïc) américain William Cavanaugh, dont la traduction était attendue depuis de nombreuses années. Ce livre étonnant (issu d'une thèse de théologie) part de l'analyse détaillée de la
pratique de la torture sous le Chili de Pinochet comme illustration de la mainmise de l'Etat moderne sur les « corps », abandonnés depuis plusieurs siècles par une Église confinée à n'avoir au mieux que le « soin des âmes ». Comme si
l'Église n'était pas un Corps (le Corps du Christ) alimenté par le corps eucharistique. L'oubli de cette vérité a été renforcé par des penseurs tels que Jacques Maritain, dont l'auteur analyse
avec une lucidité inégalée sa « distinctions des plans » (spirituel/temporel). Le spirituel est relégué dans la sphère individuelle et « l'Église en tant que corps ne peut
tenir un rôle direct, sur le plan temporel », ce que montre de façon exemplaire l'exemple du Chili, où Maritain a eu une influence considérable. Cet essai exceptionnel marque une date
dans l'évolution de la théologie politique. « Pour nous chrétiens, notre résistance consiste à participer à l'imagination de Dieu, par l'enracinement de l'étrange espace-temps de
l'eucharistie, où le corps torturé du Christ apporte au monde l'espérance. »
William Cavanaugh
Torture et eucharistie
Ad Solem, 448 p., 30 €