Désamour européen
Selon un sondage publié par Le Figaro (15-16/2), l'Union européenne n’inspire de l’espoir, de la confiance, de la fierté ou de la satisfaction qu’à 32 % des Français, tandis que 45 % d’entre eux expriment de la déception, 12 % de l’indifférence, 7 % du rejet et 4 % de la peur, ce qui nous donne un total de 68 %. Le pourcentage d’opposants au retour au franc a chuté en deux ans de 62 % à 53 % : l’attachement à l’euro est ainsi de moins en moins partagé, comme si se répandait cette idée que la monnaie unique, loin d’être un facteur de prospérité, aurait quelque responsabilité dans la crise économique. L’euroscepticisme progresse, et les sociopolitologues s’attendent à une percée des partis antieuropéens – dont le Front national en France – lors des élections de mai.
Le beau projet européen a du plomb dans l’aile. On sait l’attachement des chrétiens à l’espoir d’une Europe réconciliée, et le rôle joué par des hommes tels que Robert Schuman, Konrad Adenauer ou Alcide De Gasperi, dans la perspective d’une amitié commune dépassant les frontières et les égoïsmes nationaux. Il y avait chez ces catholiques convaincus la perception d’un bien commun européen à poursuivre inlassablement, tout en étant finalisé par un autre Bien commun (qui, dans le christianisme, n’est autre que Dieu). Adenauer écrivait à Schuman en 1951 que leur ambition était de « réaliser le nouvel édifice de l’Europe sur des fondements chrétiens ». On sait aussi malheureusement ce qui est advenu. L’esprit qui tend aujourd’hui à dominer les institutions n’échappe pas au nihilisme contemporain, à l’oubli des racines chrétiennes du continent et à l’exclusion de l’Église de l’espace public. La Charte européenne des droits de l’homme repose sur le relativisme, l’idéologie du genre, et le refus du respect de la vie. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sont imprégnés de la même pensée faible, aux « valeurs » liquides, provisoires, interchangeables. Quant aux institutions européennes, on ne peut que constater qu’elles sont fondées sur une interprétation à l’envers du principe de subsidiarité. Leurs règles de fonctionnement sont à l’exact opposé d’un authentique fédéralisme qui impliquerait que l’échelon supérieur n’intervienne qu’exceptionnellement, à titre de soutien, d’assistance, de renfort (subsidium). L’eurojacobinisme bruxellois impose le contraire : c’est l’échelon supérieur qui définit la marge de liberté qu’il octroie en dessous de lui, et qui se réduit d’année en année, rongée par une gigantesque législation bureaucratique. Comment dès lors susciter chez les Européens un quelconque attrait pour un tel super-pouvoir ?