Pour l'entrée en carême, voici une méditation du Père Bernard Devert, fondateur d'Habitat & Humanisme :
Entrons joyeusement dans ce temps du Carême. L’expression, si elle est paradoxale, est juste dès lors que nous sommes
appelés non pas à lire mais à vivre les signes de résurrection.
Les faces de Carême ne témoignent pas de la foi ou alors ce n’est point comprendre l’acte du croire qui nous met face à nos
obligations d’hommes et de femmes pour précisément faire face à ce qui en nous et autour de nous déshumanise. L’espérance procède toujours d’une parole qui donne chair à un ‘autrement’.
C'est la vie qui importe pour Dieu. Elle est inscrite dès les premières pages de la Bible : "Qu’as tu fait de ton
frère". Cet appel est la clé d'un discernement, permettant, sans évasion ni illusion, de nous poser une autre question de la même veine : qu'as-tu fait de ton Père ? Le plus humain rejoint
le plus divin.
Le carême est la promesse d’une mort traversée. Nous voici invités précisément à prendre un chemin, sans doute de
traverse, qui va renouveler notre prière pour nous écarter de l’inessentiel et des illusions, d’où l’appel au jeûne non pas pour lui-même mais pour une plus vive attention à nos frères que la vie
fragilise.
L’aumône n’est pas une fin en soi mais bien ce mouvement d’intériorité permettant d’habiter la Parole de Jésus :
là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Comment ne pas donner, se donner en partageant du temps, de ses relations, de son épargne pour que celui qui n’a pas de place la trouve
enfin. Il ne s’agit pas seulement d’être solidaires mais d’être fraternels
Solidaires, nous le sommes lorsque vivant les mêmes risques il faut nous entraider ; la cordée est signe d’une
solidarité ; la fraternité va au-delà. Sécurisés nous allons à la rencontre de celui qui ne l’est pas. N’est-ce pas cela précisément le sens de l’aumône ? Ton Père voit ce que tu
fais dans le secret et te le revaudra.
Le réalisme spirituel du Christ ne nous autorise pas à nous évader des situations, de celles parfois si ‘moches’ que nous
saisissons l’urgence de les changer, comprenant alors qu’il nous faut changer.
Aime et tu comprendras, dit Saint Augustin.
Pour comprendre, il faut entendre. N’est-ce pas ce temps de la prière, autre chemin permettant cette traversée à partir de
laquelle le Seigneur appelle à prier avec Lui, comme il le demanda à ses disciples. La prière est souffle d’une libération. Alors vient le temps d’une disponibilité qui nous met enfin à distance
de nos idées qui sont souvent nos barreaux invisibles, de nos avoirs qui nous enferment dans nos certitudes et de nos savoirs qui nous donnent l’illusion d’un certain pouvoir.
Sur ce chemin de carême, nous irons avec le Christ au désert. Là, il entendit le ‘diabolos’ lui demander d’être plus Dieu
qu’homme. Jésus fit un choix, celui-là même d’être avec nous, parmi nous. Au diable, les fossoyeurs de l’incarnation !
Et nous, pendant ces quarante jours, qu’enverrons-nous au diable ? La misère pour la mettre en cendres.
Ce qui se joue en ce temps de carême, c’est une magnifique aventure d’humanité ! Alors comment la tristesse
pourrait-elle trouver place.