Le dernier film de Terrence Malick – l'un des plus grands cinéastes vivants, palme d'or à Cannes en 2011 pour son superbe Tree of Life – était très attendu : Une vie cachée, sur le Bienheureux Franz Jägerstätter. Animé par une foi fervente et l'amour de sa femme, ce paysan autrichien ayant refusé de combattre pour le IIIe Reich et de prêter serment à Hitler avait été décapité en 1943. Benoît XVI l'a reconnu comme martyr de l'Eglise et béatifié en 2007. Sans doute trop catholique pour être récompensé par le jury de Cannes cette année, le film a cependant reçu le prix du Jury oecuménique et le prix François-Chalais. Pour le pasteur Roland Kauffmann, président du Jury oecuménique, « la haute qualité cinématographique, en termes de réalisation, de scénario et de montage, permet d’exprimer et d’explorer les questions qui se posent à la personne confrontée au mal. C’est un récit universel à propos des choix que nous avons à faire et qui transcendent les préoccupations terrestres pour suivre la voix de sa conscience. » Le film sortira en France à la rentrée.
Aux dernières élections présidentielles, si l'on se fie aux sondages réalisés après le scrutin, la majorité des catholiques pratiquants réguliers auraient voté pour Emmanuel Macron.
Aujourd'hui, ils ne peuvent plus le faire, pour de multiples raisons. Une seule suffit : le crime d'Etat que représente l'euthanasie de Vincent Lambert.
Comment pourraient-ils voter aux Européennes pour la liste conduite par Nathalie Loiseau alors que l'Etat français ne respecte pas ses engagements internationaux? Les évêques français viennent de rappeler : "Chaque personne handicapée, aussi fragile soit-elle, a des droits égaux à toute autre personne. La France le sait puisqu’elle a ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Le Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) de l’ONU a été saisi au sujet de M. Vincent Lambert, et a répondu que cette saisine était recevable. Le Comité a demandé que les soins prodigués à M. Vincent Lambert soient maintenus tant qu’il ne s’était pas prononcé sur le fond. Le Gouvernement a donné son avis au Comité en affirmant que ce maintien des soins n’était pas envisageable car il « priverait d’effectivité le droit du patient à ne pas subir d’obstination déraisonnable ». Après ce refus, le CIDPH vient de réitérer sa demande que l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert « ne soient pas suspendues pendant le traitement de son dossier. (...) La crédibilité de l’État passe par le respect de sa parole donnée. Il paraît donc sage et nécessaire d’attendre la réponse sur le fond du Comité de l’ONU. »."
Emmanuel Macron pouvait arrêter la mise à mort de Vincent Lambert, simplement en respectant la parole donnée, pour reprendre l'expression des évêques. Il ne l'a pas fait. Aussi comment pourrions-nous accorder notre confiance à un homme d'Etat chargé de représenter dignement la France dans le concert des nations - à commencer par l'Europe ?
Plus grave encore est le problème éthique. La transgression majeure qu'est la mise à mort d'un innocent s'accompagne de beaucoup d'autres, présentes (l'avortement de masse et l'euthanasie largement pratiquée) et futures (prévues dans la révision des lois de bioéthique annoncée avant l'été).
Comme l'écrivait saint Augustin, dans un célèbre passage souvent cité par Benoît XVI, "Sans la justice, les Etats ne sont pas autre chose que de grandes bandes de brigands. " Et un chrétien ne peut soutenir par son vote une "grande bande de brigands".
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Président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Reims, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a publié avec Mgr Bruno Feillet, évêque auxiliaire de Reims une déclaration à propos de Vincent Lambert:
Il y a quelques semaines, déjà, le Conseil d’État a validé juridiquement la décision prise par l’équipe du secteur des soins palliatifs du CHU de Reims quant à M. Vincent Lambert. Cette équipe est donc confirmée dans sa responsabilité d’interrompre l’alimentation et l’hydratation de M. Lambert selon ce qu’elle jugera convenable. Le Dr Sanchez a annoncé à la famille son intention d’appliquer sa décision dans la semaine du 20 mai. La mort de M. Lambert est donc scellée, quoi qu’il en soit des recours tentés par ses parents.
Beaucoup s’inquiètent de la conclusion ainsi donnée à ce qui a été « l’affaire Lambert ».
Comme archevêque de Reims et comme évêque auxiliaire de Reims, avant tout nous prions pour M. Vincent Lambert, pour son épouse, pour sa fille, pour ses parents, ses frères et sœurs et pour tous ses amis. Nous prions aussi pour les médecins, le personnel infirmier et soignant du CHU de Reims qui, depuis des années, se sont occupés de lui. Nous prions également pour ceux qui ont eu et qui ont encore à décider de son sort. Nous remercions les membres de l’aumônerie qui lui ont rendu visite régulièrement tant que cela a été possible.
La situation médicale et humaine de M. Vincent Lambert est singulièrement complexe. Déterminer la prise en charge adaptée dans son cas n’est pas simple. Tout jugement à son propos est délicat. Ce qui a été vécu autour de M. Lambert est unique et ne devrait pas être transposé à d’autres cas. Face à de telles situations, aucune décision humaine ne peut être assurée d’être parfaite, ni même d’être la meilleure. Une société doit savoir faire confiance au corps médical et respecter la décision collégiale des médecins engageant leur responsabilité professionnelle et humaine ; les médecins, de leur côté, doivent accepter de prendre en compte les avis des proches et de nourrir leurs décisions d’une réflexion éthique sur la responsabilité des êtres humains les uns à l’égard des autres.
Les spécialistes semblaient s’accorder cependant sur le fait que M. Vincent Lambert, si dépendant soit-il depuis son accident, n’est pas en fin de vie. Tout en saluant l’engagement des équipes du CHU de Reims, on peut s’étonner que M. Lambert n’ait pas été transféré dans une unité spécialisée dans l’accompagnement des patients en état végétatif ou pauci-relationnel.
Il appartient à la condition de l’homme et à sa grandeur d’avoir à mourir un jour. Il est bon de s’en souvenir en un temps où certains réclament le droit de mourir quand et comment ils le choisissent tandis que des prophètes du transhumanisme annoncent la fin de la mort.
Mais c’est l’honneur d’une société humaine que de ne pas laisser un de ses membres mourir de faim ou de soif et même de tout faire pour maintenir jusqu’au bout la prise en charge adaptée. Se permettre d’y renoncer parce qu’une telle prise en charge a un coût et parce qu’on jugerait inutile de laisser vivre la personne humaine concernée serait ruiner l’effort de notre civilisation. La grandeur de l’humanité consiste à considérer comme inaliénable et inviolable la dignité de ses membres, surtout des plus fragiles.
Nos sociétés bien équipées se sont organisées pour que les personnes en situation « végétative » ou pauci-relationnelle soient accompagnées jusqu’au bout par des structures hospitalières avec des personnels compétents. Leurs familles et leurs amis ont aussi vocation à accompagner l’un de leurs en une telle situation. La confiance mutuelle entre ces personnes diverses est le fondement nécessaire d’un bon accompagnement. Beaucoup font l’expérience que cet accompagnement, tout en étant éprouvant, contribue à les rendre plus humains. Le devoir de la société est de les aider.
Nous prions encore et nous invitons à prier pour que notre société française ne s’engage pas sur la voie de l’euthanasie. Nous rendons grâce à Dieu pour ceux et celles qui sont quotidiennement les témoins de la grandeur de tout être humain menant sa vie jusqu’à son terme.
Le docteur SANCHEZ annonce l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert la semaine du 20 mai
Communiqué des avocats des parents de Vincent Lambert :
Le docteur SANCHEZ du CHU de REIMS vient d’annoncer ce 10 mai 2019 à la famille de Vincent LAMBERT qu’il mettrait sa décision du 9 avril 2018 à exécution la semaine du 20 mai 2019, sans autre précision.
Dès cette annonce du docteur SANCHEZ, la famille a découvert la mise en place par le CHU de REIMS d’un plan vigipirate contre on ne sait quels terroristes.
Si cette décision était exécutée, Vincent LAMBERT mourrait en quelques jours, entouré probablement de forces de l’ordre en nombre, et le docteur SANCHEZ pourrait remettre à Viviane LAMBERT un fils mort pour la fête des mères le 26 mai prochain.
C’est au mépris des mesures provisoires ordonnées par l’ONU le 3 mai 2019 au profit de Vincent LAMBERT, handicapé, vulnérable et sans défense, que le docteur SANCHEZ a décidé qu’il mourrait dans le couloir de la mort dans lequel il est enfermé à clés depuis des années.
Les experts judiciaires désignés ont pourtant clairement affirmé que Vincent LAMBERT n’était pas en situation d’obstination déraisonnable. Il s’agit en fait de l’euthanasie d’une personne handicapée pour la seule raison qu’elle est handicapée.
Il n’y a aucune urgence médicale à arrêter l’alimentation et l’hydratation de Vincent LAMBERT et rien ne justifie une violation aussi éhontée du droit international et des mesures provisoires réclamées par l’ONU.
Comment la France peut-elle prétendre prendre la présidence du Conseil de l’Europe le 24 mai prochain quand elle viole aussi délibérément les traités qu’elle ratifie, qui plus est à la veille des élections européennes ? Quel message pour les Français et pour la communauté internationale !
Nous en appelons dès à présent au défenseur des droits, qui a été chargé par la France de veiller à l’application stricte de la Convention internationale des droits des personnes handicapées.
Nous en appelons également au Président de la République qui est le garant de la parole donnée de la France pour que notre pays ne se déshonore pas.
Nous saisissons la justice pour que soit respecté le droit international au profit de Vincent LAMBERT.
Directeur de la rédaction de l'hebdomadaire La Vie, essayiste et poète, Jean-Pierre Denis avait choqué certains de ses amis « progressistes » en défendant dans un précédent livre la dimension contre-culturelle du christianisme dans une société éloignée de Dieu. Il revient sur ce thème en prônant dans cet essai enlevé un « catholicisme attestataire », ni réactionnaire ni révolutionnaire mais rebelle à la lâcheté et à la médiocrité de chrétiens fatigués, « dégonflés » écrit-il, Face aux discours lénifiants, il dénonce les tentations du déni (la situation ne serait pas si grave), de l'auto-complaisance, de la « sécularisation tranquille » et du « découragement geignard », Mais il récuse aussi le piège de la crispation identitaire , Pour lui, la solution passe par la mission (en passant, il ose réhabiliter le prosélytisme et l'apologétique), par une évangélisation authentique et non frileuse, tournée vers ces nombreux catholiques peu pratiquants mais qui ont conservé quelques attaches avec l'Église, au-delà du cercle restreint des derniers pratiquants réguliers, , C'est l'appel qu'il lance aux professants, « Le christianisme est attendu. Il suffit de se rendre au rendez-vous. »
ANALYSE : Construire l'amitié sociale selon le Pape François
LES HOMMES : Pascale Morinière - Jean-Frédéric Poisson - Nathalie Loiseau - Patrick de Gmeline
INFOS : CFTC, une spécificité chrétienne affadie - Pro Persona : pour une finance au service de l'homme - Sodoma : "un livre pervers" selon Yves Chiron - Catholiques et politiques - Conférence épiscopale : comme un air printanier - Une ambassadrice près le saint-Siège - La Vie se renouvelle - Doctrine sociale - Le nouveau Conseil permanent de la CEF - Benoît XVI s'exprime
INITIATIVES : Union catholique des cheminots français
LECTURES : Un catholique s'est échappé, de Jean-Pierre Denis
Une chronique du Père Bernard Devert, président-fondateur d'Habitat & Humanisme :
Alors que l’Eglise est blessée, la voici touchée en son cœur avec la destruction partielle de la Cathédrale Notre-Dame de Paris.
Notre-Dame brûle. L’information crée un véritable choc. Le Vatican exprime son incrédulité. D’aucuns pensent que la Cathédrale peut s’effondrer tellement l’incendie fait rage. Les soldats du feu prennent de grands risques pour que « l’éternel ne soit pas perdu ». De toutes parts, des parisiens accourent, des messages de tristesse du monde entier affluent. Je vois, dit la Chancelière Angela Merkel, ces atroces images de Notre-Dame en feu ; Notre-Dame est un symbole de la France et de notre culture européenne.
Il s’en est fallu de peu que Notre-Dame s’écroule. Martyrisée, elle reste debout.
Le Président de la République annule la diffusion prévue à 20 h de son message annonçant les mesures qu’il entend prendre suite au grand débat. L’heure est celle d’un combat pour sauver Notre-Dame. Tous y participent, chacun avec ce qu’il est et ce qu’il a. Les divisions se taisent. Dans ce moment tragique, l’onde d’émotion traversant la France et le monde suscite la grâce d’une union et même d’une communion, quelles que soient les convictions religieuses, spirituelles et philosophiques.
Notre-Dame a une histoire quasiment millénaire ; elle est celle de la France. Les révolutions ont pu la toucher, jamais rien n’a pu la ravager, pas même les nazis qui avaient formé le plan de la détruire.
La Cathédrale est debout et les Français, comme les étrangers, qui aiment notre Pays le sont aussi. Le Président de la République avec des mots justes, dans le continuum de ceux de l’Archevêque, traduit l’espérance de tous : « Notre-Dame sera reconstruite ; elle le sera vite et elle sera encore plus belle ».
La France est debout.
Un grand chantier s’ouvre. Tous, sans aucun appel, sont immédiatement présents. La générosité n’est pas seulement celle de l’argent, mais du cœur. La Cathédrale est la maison commune. Ravagée, les toitures sont tombées. A ciel ouvert, la Cathédrale demeure ce qu’elle a toujours été et sera, plus qu’un Monument, la mémoire d’une grande histoire, marquée par des évènements qui ont construit la Nation, un peuple de bâtisseurs.
Le feu dévastateur se révèle créateur d’une union, plus encore d’une fraternité. Les inessentiels sont comme brûlés, en cendres.
A quelques jours de Pâques, une résurrection s’opère dans les cœurs et les esprits. Que d’hommes et de femmes se sont levés pour que cette destruction accidentelle ne soit pas signe d’un linceul mais, au contraire, d’un moment mobilisateur qui fera date dans l’Histoire.
Je vois dans ce tragique incendie les traces du récit des disciples d’Emmaüs qui, frappés par la mort du Christ, quittent la ville du Temple pour se retirer dans un village. Soudain, à la fraction du pain que le Fils de l’Homme leur offre, ils se disent l’un à l’autre : « notre cœur n’était-il pas tout brûlant, alors qu’Il nous parlait ».
En cette soirée et nuit du lundi de la Semaine Sainte que de frères se sont levés, bien décidés à reconstruire la Cathédrale. Au plus profond d’eux-mêmes, chacun comprend, suivant les mots d’Antoine de Saint-Exupéry : « On ne dit rien d’essentiel sur la cathédrale si l’on ne parle que de pierres ».
La vocation d’une Cathédrale est de rassembler ; elle s’opère.
Notre-Dame est en souffrance. Elle le sera tant que des hommes, des femmes et des enfants ne bénéficieront pas d’espaces où ils se sentiront chez eux parce que la misère aura été vaincue ; elle doit l’être. Comment ne pas se souvenir de Victor Hugo qui a un lien si particulier avec la Cathédrale : « je ne suis pas de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, mais je suis de ceux qui pensent et affirment que l’on peut détruire la misère ».
Reconstruire la maison commune, c’est aussi se reconstruire pour plus d’humanité. Quel programme ! Oui, d’un mal peut sortir un bien, une Pâque, un passage ; qui ne brûle pas intérieurement de le vivre.
Le 372e numéro de Chrétiens dans la Cité vient de paraître. Il sera envoyé gracieusement à titre de spécimen à toute personne en faisant la demande (indiquer vos coordonnées postales à contact@chretiensdanslacite.com).
EDITO : Le plaidoyer des évêques pour l'Europe
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