Mgr Minnerath dénonce le laïcisme d'Etat
Dans une lettre pastorale intitulée « Avec pleine assurance et sans entrave », Mgr Roland Minnerath, archevêque de Dijon, dénonce le laïcisme d’État. Extraits.
Des interprétations outrancières de la notion de laïcité visent à restreindre progressivement l’espace couvert par la liberté de religion. On tend à étendre la laïcité à la société entière, en faisant croire que la laïcité consiste à effacer tout signe religieux et toute conviction religieuse de l’espace public et à confiner la religion dans l’espace privé. (...) En France, depuis la Révolution il existe un courant visant à éradiquer le christianisme en lui substituant une religion séculière : culte de la Raison, de la République, etc. Ces tendances se manifestent encore de nos jours où des ministres déclarent ouvertement vouloir introduire la laïcité comme « une religion pour la République » avec l’esprit républicain pour credo, les enseignants comme clergé. La religion redeviendrait ce qu’elle était avant le christianisme : une religion civile et un moyen pour le pouvoir de dominer entièrement les hommes.
Il ne suffit pas de déclarer la liberté de conscience et la liberté individuelle d’avoir des opinions religieuses, si l’Etat tout-puissant ne reconnaît pas d’interlocuteurs qui prennent en charge la liberté de conscience et de religion. En ne reconnaissant pas d’interlocuteur chargé de cette dimension spirituelle, l’Etat a naturellement tendance à réinvestir le champ de la liberté intérieure pour formater des citoyens manipulables à l’envi.
Les courants laïcistes entretenus par des sociétés secrètes et des réseaux bien connus semblent d’ailleurs en décalage avec la postmodernité relativiste et antiautoritaire. Il est absurde aujourd’hui de considérer les chrétiens comme des menaces à la République, à la liberté et aux droits de l’homme. Ils sont ceux qui s’engagent le plus dans les associations en défense des plus défavorisés et qui paient de leur personne pour plus de justice. (…) Ces courants n’ont pas compris que le lien social ne s’impose pas par l’idéologie, mais qu’il nait de la liberté. On admet généralement que les sociétés démocratiques vivent sur des principes qu’elles sont incapables de fournir et qui ont leurs racines dans des visions du monde et de l’homme irriguées par les religions. Le laïcisme antireligieux n’a rien appris des dérives totalitaires du XXe siècle. C’est déplorable. Nous affirmons que la doctrine sociale de l’Eglise offre un espace de liberté et de respect mutuel autrement consistant que les rêves d’enfermement des hommes dans des idéologies sans ouverture vers le haut. La laïcité ne doit pas devenir une religion séculière. La liberté de religion, comprise comme possibilité de chercher Dieu et la vérité, est garante du lien social.
La laïcité ne peut caractériser la société dans son ensemble, qui est pluraliste. (…) Ne nous laissons pas impressionner par les menaces d’un autre âge agitées devant nous. Ceux qui crient à notre disparition ne nous connaissent pas. Nous réaffirmons que le témoignage des chrétiens est essentiel pour l’équilibre et l’avenir de notre société. Le christianisme a résisté à toutes les persécutions, assimilations, intimidations. En cela il n’a cessé de forger l’espace de liberté des personnes par rapport aux idéologies et aux modes de vie imposés. (…) Ne nous lassons pas d’être présents dans la société en y prenant toute notre place. Les organismes caritatifs, et même ceux qui ne se réclament pas de l’Eglise, vivent souvent grâce à la présence et à l’action efficace des chrétiens. De la même manière, ne craignons pas non plus de nous investir dans la vie de la société, y compris par une participation active aux responsabilités publiques.