Fratelli tutti : une brève lecture

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La troisième encyclique du pape François, intitulée Fratelli tutti, est consacrée à « la fraternité et l’amitié sociale ». Elle s’adresse à tous et pas seulement aux chrétiens. Ses références proprement théologiques sont d’ailleurs rares. Ce texte long (216 pages dans l’édition française), non dénué de répétitions, inclut de nombreuses citations de textes ou allocutions du pape François. Son idée centrale est de proposer une fraternité ouverte qui « surmonte les barrières de la géographie et de l’espace » à l’image de saint François d’Assise allant converser avec le sultan d’Égypte, et de la rencontre du pape François avec l’imam Ahmad Al-Tayyeb à Abou Dhabi.

Cette encyclique sociale commence par décrire « les ombres d’un monde fermé ». Conflits anachroniques, nationalismes étriqués, et désintérêt pour le bien commun sont « instrumentalisés par l’économie mondiale pour imposer un modèle culturel unique ». Des idéologies et politiques dé-construisent, déracinent les peuples de leurs identités. La baisse de la natalité et le vieillissement des populations s’accompagnent de l’exclusion des personnes âgées ou handicapées. De nouvelles formes d’esclavage prospèrent avec les réseaux mafieux. Le monde vit une sorte de « troisième guerre mondiale par morceaux », faite de violences et persécutions.
Le pape se livre à une critique des réseaux sociaux, dénonçant l’illusion des relations virtuelles qui ne peuvent dispenser de véritables amitiés. Dans le monde numérique, la violence verbale est nourrie de diffamation et de calomnie « même dans des milieux catholiques », au détriment de la réflexion sereine et du dialogue.
Alors que la pandémie a montré à quel point nous sommes liés, « les sentiments d’appartenance à la même humanité s’affaiblissent ».
Revenant sur un de ses thèmes préférés – « accueillir, protéger, promouvoir et intégrer » les migrants –, François reconnaît le « droit de ne pas émigrer » tout en fustigeant le rejet des migrants par des régimes populistes et même par des chrétiens « faisant parfois prévaloir certaines préférences politiques sur les convictions profondes de leur foi ». Il oppose aux attitudes xénophobes ou de repli la parabole du bon Samaritain, cet « étranger sur le chemin » qui s’est fait proche du Juif blessé alors que Juifs et Samaritains se détestaient.
Développant l’idée de l’amour ou de la charité comme ouverture aux autres, le pape pourfend cependant un faux universalisme. En effet, l’amitié sociale se vit d’abord dans une communauté, une ville ou un pays, avant de s’élargir progressivement vers la communion universelle. Dans plusieurs passages, François défend les traditions des peuples contre une globalisation uniformisante. La critique d'« un populisme malsain » ne doit pas entraîner « l’ignorance de la légitimité de la notion de peuple ». Il récuse ainsi fermement les « visions libérales individualistes » qui nient la catégorie de peuple ainsi que des « idéologies de gauche » qui la déforment.
Au plan social, le pape argentin s’inscrit dans l’antilibéralisme propre à la doctrine sociale de l’Église. Contre l’individualisme, la « revendication toujours plus grande de droits individuels », il réaffirme l’importance de la solidarité et rappelle la fonction sociale de la propriété. Contre le « dogme de foi néolibéral » et les théories du « ruissellement », il écrit que « le marché à lui seul ne résout pas tout ».
Au plan international, il propose une réforme de l’Onu et une refonte du système financier international.
Prônant une politique non soumise à l’économie, il médite sur « l’amour politique » qui doit être au cœur de toute vie sociale saine et ouverte. Ici François s’inscrit dans la ligne de Benoît XVI, y compris dans la critique explicite du relativisme, pour un dialogue social authentique. Il se livre ensuite à une longue dissertation sur le dialogue, la recherche des consensus, la « rencontre devenue culture » et la bienveillance. Cependant tous les conflits ne sont pas évitables : « la vraie réconciliation, loin de fuir le conflit, se réalise plutôt dans le conflit, en le dépassant ». De plus, le pardon n’implique pas l’oubli.
Plus concrètement, François condamne toute guerre : compte tenu des armes actuelles de destruction massive, la « guerre juste » devient impossible (et la dissuasion nucléaire inacceptable). Il rappelle aussi son opposition à la peine de mort en raison de « l’inaliénable dignité de tout être humain ».
En conclusion, il explique que les différentes religions « offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société ». Mais c’est ensuite pour inciter surtout sur le rôle public de l’Église pour la promotion du bien commun.
Il cite enfin quelques figures de la fraternité universelle : outre saint François d’Assise, Martin Luther King, Desmond Tutu, Gandhi et le bienheureux Charles de Foucauld.

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