La justice, cette religion d'un pays sans religion
Suite aux montages politico-judiciaires visant à déstabiliser les candidats Fillon et Le Pen, un débat s'est ouvert sur le pouvoir des juges.
Dans le livre Un président ne devrait pas dire ça.., François Hollande avait déclaré aux deux journalistes du Monde que la justice actuelle est « une institution de lâcheté... Parce que c'est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux... On n'aime pas le politique. » – ce qui avait déclenché l'ire des juges. Pourtant, dans un communiqué publié le 1er mars, le Président de la République s'est élevé « solennellement contre toute mise en cause des magistrats », et dénoncé ses « accusations extrêmement graves contre la justice et plus largement nos institutions ».
Dans une chronique publiée dans La Croix (7/3), François Sureau, avocat et écrivain talentueux, remarque finement : « La justice est devenue la religion d'un pays sans religion, la politique d'un pays sans hommes d'État, et les juges les mollahs d'une société sans prêtres. Car enfin l'opinion du président de la République est entièrement irrecevable. Il est possible en France de manifester pour ou contre ce qu'on veut, dès lors qu'on ne trouble pas l'ordre public, et ce trouble n'a pas à voir avec l'objet de la manifestation elle-même. Il n'y avait rien de blâmable à manifester contre la peine de mort, s'agissant de la peine, ou les cours militaires de justice statuant sans recours, ou les tribunaux d'exception, tous éléments de droit dûment votés et qui faisaient partie des ''institutions'' jusqu'à ce qu'une conscience mieux éclairée ne les révoque. La justice est humaine et la grandeur des juges repose sur leur discernement, sur l'ascèse à laquelle ils doivent se soumettre pour y parvenir. S'ils paraissent ne pas y atteindre, c'est non seulement un droit mais un devoir pour le citoyen de le dire. Nous savons bien qu'à chaque époque la justice a erré, après la Commune, pendant l'Occupation, au moment des guerres coloniales. Aujourd'hui encore la France est condamnée vingt fois par an par la Cour européenne des droits de l'homme à cause des défauts de sa justice. Il est inconcevable de demander au peuple d'une nation libre d'en faire un fétiche. »
Rien de plus chrétien que la critique des mauvais juges, depuis les imprécations qui parsèment l'Ancien Testament (Combien de temps jugerez-vous sans justice, soutiendrez-vous la cause des impies ? Ps 81,2) jusqu'à la parabole du Christ sur la veuve et le juge inique qui ne craignait point Dieu, et ne souciait point des hommes (Lc 18,2). Et lorsque la justice n'est plus qu'un rouage de l'appareil répressif d’État, cette dénonciation devient une exigence éthique.