Le retour de la guerre juste

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Les atrocités commises par l’État islamique en Irak conduisent les chrétiens à retrouver le sens d’une action militaire légitime.

Depuis un demi-siècle, l’idée qu’une guerre puisse être juste semblait comme malsonnante dans le monde catholique. Non sans raison : les horreurs des conflits modernes et la menace des armes de destruction massive nourrissaient un certain pacifisme. Les papes – de Benoît XV pendant la Première guerre mondiale jusqu’à Jean Paul II contre la guerre du Golfe – ont dénoncé de manière prophétique ces « aventures sans retour » qui causent plus de mal que de bien : le drame actuel de l’Irak est d’ailleurs la conséquence de son invasion en 2003 par la coalition menée par les États-Unis. Fallait-il pour autant abandonner la théologie de la guerre juste élaborée par saint Augustin ? Jean Paul II lui-même avait légitimé en janvier 1993 une intervention en Bosnie pour éviter le génocide. Et dans son message pour la journée de la paix du 1er janvier 2000, il avait précisé : « Évidemment, quand les populations civiles risquent de succomber sous les coups d’un injuste agresseur et que les efforts de la politique et les instruments de défense non violente n’ont eu aucun résultat, il est légitime, et c’est même un devoir, de recourir à des initiatives concrètes pour désarmer l’agresseur. Toutefois, ces initiatives doivent être limitées dans le temps, avoir des objectifs précis, être mises en œuvre dans le plein respect du droit international, être garanties par une autorité reconnue au niveau supranational ».


Le 9 août, Mgr Silvano Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU, a déclaré que « peut-être qu’une action militaire est nécessaire en ce moment pour arrêter l’avancée des djihadistes en Irak ». Le 13 août, le Conseil des conférences épiscopales d’Europe a adressé une lettre au Conseil de sécurité de l’ONU pour demander une intervention devenue urgente. A son tour, le 18 août, le pape François a rappelé que « dans les cas où il y a agression injuste », il était « licite d’arrêter l’agresseur injuste. Je dis bien "arrêter", je ne dis pas bombarder ou faire la guerre » ; il a ajouté (visant les États-Unis) qu'« un pays ne juger tout seul comment arrêter un agresseur injuste », et que c’est à l’ONU « que l’on doit discuter et dire il y a un agresseur injuste, comment l’arrêtons-nous ?" Comme le commente le directeur de la rédaction de La Vie, Jean-Pierre Denis, « Le pape François a donc franchi le Rubicon en évoquant publiquement la nécessité de "stopper" les djihadistes. Pour une fois, on sent l’Argentin gêné aux entournures. On le comprend, car l’Église a condamné jusqu’ici avec force toutes les interventions armées dans la région. Un peu… jésuite, François se refuse donc à parler explicitement de bombardements. C’est pourtant de cela qu’il s’agit, et il le sait. » (La Vie, 21 août).

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